Retraites : de nouvelles pistes pour corriger les inégalités

Publié le 21 Janvier 2013

   



Le Conseil d'orientation des retraites, dans un nouveau rapport, esquisse des propositions pour améliorer l'équité d'un système qui présente aujourd'hui de nombreuses imperfections, au-delà de son déficit chronique.

Les Echos
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Le chantier des retraites va s'installer dans le débat public comme un des sujets majeurs de 2013. Outre la négociation en cours au sein des régimes complémentaires du privé (Arrco-Agirc), le gouvernement ouvrira la concertation avec les partenaires sociaux au printemps. Sur la base, notamment, du nouveau rapport que le Conseil d'orientation des retraites doit adopter mardi prochain. Le COR avait déjà publié en décembre des évaluations financières actualisées faisant état d'un déficit prévisionnel de l'ensemble des régimes de 22 milliards d'euros à l'horizon 2020 . Une situation de court terme jugée « inquiétante » par François Hollande lors de ses voeux aux partenaires sociaux, jeudi soir, laissant augurer des mesures de redressement assez rapides.

Etat des lieux

Cette fois, le Conseil affiche encore des données spectaculaires : le cumul des besoins de financement, selon les scénarios, « représenterait entre 15% et 51,4% du PIB en 2040 », et « la hausse des prélèvements permettant d'assurer l'équilibre en moyenne sur 2012-2040 varierait de 0,4 à 0,7 points de PIB » (soit 8 à 14 milliards d'euros). Mais tel n'est pas l'objet principal de ce document de 137 pages qui dresse un état des lieux complet des différents régimes (comme l'avait demandé Jean-Marc Ayrault lors de la conférence sociale de juillet) et, surtout, esquisse des propositions pour améliorer l'équité du système au regard des objectifs assignés par la loi : maintien d'un niveau de vie satisfaisant des salariés, lisibilité, transparence, équité inter-générationnelle, solidarité inter-générationnelle, pérennité financière, réduction des écarts de pensions entre hommes et femmes.

En premier lieu, selon ce document encore préliminaire et transmis ce vendredi aux membres du COR, « il n'existe pas de générations qui seraient avantagées ou désavantagées (...), puisqu'en particulier les générations les plus jeunes bénéficieraient, selon les projections de décembre 2012, d'une durée espérée de retraite plus longue, mais avec un taux de prélèvement moyen plus élevé, alors que les générations plus anciennes ont bénéficié de prélèvements plus faibles mais percevraient leur retraite pendant une durée en moyenne plus courte. »

Questions d'équité

Le COR constate en revanche que le mode de calcul des pensions désavantage aujourd'hui les assurés à plus bas salaires et les femmes. Et que des aménagements pourraient être apportés, à l'instar de la règle de la prise en compte des 25 meilleures années dans le régime général du privé : les plus mauvaises années pourraient être exclues du calcul du salaire de référence (« par exemple les cinq plus mauvaises années ou les 10 % des moins bonnes années »), « voire supprimées en prenant en compte l'intégralité des salaires de la carrière ». Mais alors, il faudrait bien sûr des mesures compensatrices (hausse du taux de liquidation, meilleure revalorisation des salaires portés au compte...).

Autre règle questionnée, celle de la nécessité d'avoir réalisé l'équivalent de 200 heures au SMIC pour valider un trimestre, qui pénalise là encore les bas salaires à temps partiel. Ou encore le mode de calcul de la surcote (qui bonifie la retraite), qui ne s'applique qu'aux trimestres cotisés au-delà de l'âge d'ouverture des droits à la retraite, alors que les salariés qui ont travaillé très jeunes dépassent avant cette borne la durée de cotisations requise.

Sur les conditions d'ouverture des droits (durée de cotisation, âge minimal), « une autre option croisant les deux critères, d'âge et de durée, plus simple dans sa formulation et présentant moins d'effets de seuil, pourrait consister à instaurer un seuil global minimal pour la somme de l'âge et de la durée de cotisation (exprimés tous deux en années et éventuellement pondérés différemment). » Le rapport estime aussi que « plus généralement, on peut s'interroger sur les paramètres qui devraient intervenir dans la modulation du montant de la pension selon l'âge de départ à la retraite, tels que la durée espérée de retraite. » Un sujet explosif et, reconnaît le COR, très compliqué « car la question de la définition des catégories entre lesquelles on voudrait compenser les différences d'espérance de vie et de la mesure de ces différences continue de se poser. »

« Malgré toutes ces imperfections, le système de retraite opère bien au total une redistribution qui contribue à réduire fortement les inégalités », relativise le rapport. Qui esquisse toutefois d'autres évolutions possibles de certains mécanismes de solidarité : meilleure compensation des accidents de carrière, « amélioration du ciblage et de l'incidence des droits familiaux » (par exemple « en transformant les majorations de durée d'assurance ou en les complétant par des mécanismes de majoration de pension ou de salaires portés au compte »), « interrogation sur la nature forfaitaire ou proportionnelle des droits familiaux » (notamment dans le cas de la majoration de pension de 10% pour trois enfants et plus qui avantage les plus aisés), etc. Le COR souligne aussi que le sort des « polypensionnés » (retraités relevant de différents régimes) pose des questions d'équité toujours non résolues, ou encore que les écarts de pension entre hommes et femmes restent importants (mais sur ce point, le levier d'action à l'avenir doit avant tout être celui des salaires d'activité).

On le voit, ce rapport met sur la table nombre de sujets complexes et essentiels quant aux mécanismes actuels de la retraite. Le gouvernement s'en saisira-t-il pour lancer une refonte en profondeur ? Le scénario envisagé actuellement par l'exécutif consisterait à scinder l'exercice : d'abord des mesures de redressement de court terme, telles qu'une désindexation partielle des pensions, et dans un deuxième temps (avec une échéance beaucoup plus lointaine) une réforme plus structurelle qui pourrait corriger les imperfections pointées par le COR.

 

Écrit par Etienne LEFEBVRE 
Chef de service 

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Economie-Finance-Industrie

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