Scrutin majoritaire à 2 tours: ce que représente un député élu en 2012.

Libre opinion, liberté d'expression

par Fredelas

 

Les chiffres sont souvent trompeurs. A l’inverse, ils sont encore plus souvent cruels, quand ils parlent d’eux-mêmes d’une façon criante et incontestable. Une précision s’impose d’emblée : les abstentionnistes et les non-inscrits sont des gens comme vous et moi, qui ne font jamais aucun bruit en période électorale puisque pour des raisons variées, ils refusent le vote.

 

Ils se recrutent dans tous les milieux, tous les âges et toutes les classes sociales. D’autre part, leur attitude n’est pas immuable : tel abstentionniste invétéré depuis vingt ans peut soudain décider d’aller voter s’il estime que l’heure est grave. Cela s’est vu en 1968, aux élections de juin qui avaient abouti à une chambre introuvable jamais vue en France. Inversement, tel autre ou telle autre ayant voté à toutes les élections peut décider soudain qu’il y en a marre et ne plus jamais aller voter, par dégoût ou pour toute autre raison. Cela s’est beaucoup vu avec les déçus du mitterrandisme, après que les grosses affaires, bien connues, de corruption socialiste des années 1989-1993 aient déferlé sur la gauche : beaucoup de gens écoeurés, pourtant pas à droite, en ont conclu qu’ils n’iraient jamais voter et on en a même vu aller se désinscrire des listes électorales. Bref, ces français sont des gens comme les autres et tout aussi représentatifs de notre peuple que ceux qui vont voter.

Je ne ferai aucun commentaire sur les chiffres qui suivent, tellement ils en disent long. Chacun de nos lecteurs va pouvoir juger de la légitimité des élus à nous commander et à nous imposer leurs vues philosophiques ou politiques en prétendant que c’est nous qui l’avons voulu ainsi. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils sont gonflés !

Pour rendre l’exposé plus clair, les chiffres qui suivent sont arrondis.

Ensemble des français inscrits sur les listes électorales : 45 millions.

Ensemble (dont personne ne parle jamais) des français en âge de voter mais non inscrits sur les listes électorales : environ 7,7 millions.

Ensemble des français en âge de voter et éligibles au droit de voter : 45+7,7=52,7 millions.

ELECTIONS LEGISLATIVES 2012, PREMIER TOUR

Abstentions : 43% des inscrits, soit 19,3 millions de personnes.

Blancs ou nuls : 0,93% des inscrits, soit 420 000 personnes.

Abstentions+blancs et nuls : environ 44% des inscrits, soit 19,7 millions de personnes.

Abstentions+blancs et nuls+non-inscrits 27,4 millions de personnes, soit 52% des personnes en âge et en droit potentiel de voter.

Exprimés : 25 700 000 de personnes, soit 48,7% des français en âge de voter.


Score UMP+DVD+NVC35% des exprimés, soit environ 8 990 000 personnes, soit 17 % des français en âge et droit potentiel de voter.

Score PS+PRG+DVG35% des exprimés, soit environ 8 990 000 personnes, soit 17 % des français en âge et en droit potentiel de voter.

Score FN 13,6% des exprimés, soit environ 3 500 000 personnes, soit 6,6% des français en âge et en droit potentiel de voter.

Score Front de gauche = 6,9% des exprimés, soit environ 1 770 000 personnes, soit 3,36% des français en âge et en droit potentiel de voter.

Score EELV 5,4% des exprimés, soit environ 1 390 000 personnes, soit 2,63% des français en âge et en droit potentiel de voter.

Score extrême gauche = 1% des exprimés, soit environ 257 000 personnes, soit 0,49% des français en âge et en droit potentiel de voter.

Nombre d’électeurs nécessaires pour obtenir un député PS-DVG-PRG  entre 28 000 et 32 000.

Nombre d’électeurs nécessaires pour obtenir un député UMP-DVD-NVC entre 34 000 et 41 000.

Nombre d’électeurs nécessaires pour obtenir un député EELV entre 69 000 et 93 000

Nombre d’électeurs nécessaires pour obtenir un député Front de Gauche entre 110 000 et 148 000.

Nombre d’électeurs nécessaires pour obtenir un député FN entre 875 000 et 3 500 000

Il faut donc en moyenne entre 27 fois plus et 125 fois plus d’électeurs pour obtenir un député FN que pour obtenir un député PS-DVG-PRG.

Le parti PS-DVG-PRG va gouverner le pays en possédant la totalité des pouvoirs. Or, d’après ce qui précède, concrètement, si on prend cent personnes adultes en âge et en droit potentiel de voter dans la rue, il y en a entre quatre-vingt trois et quatre-vingt quatre qui n’ont pas voté pour ce parti. C’est pourquoi tout le monde ou presque s’étonne de ne rencontrer que très rarement, dans son entourage, des personnes ayant voté pour ce parti dominant. La probabilité qu’une personne prise au hasard dans l’ensemble des adultes responsables n’ait pas voté pour ce parti dominant est 83,3/100.

POUR COMPARAISON :

Le plébiscite qui avait confirmé les pouvoirs de l’empereur Napoléon III portait sur un corps électoral duquel les femmes étaient exclues et qui comprenait donc environ 15 millions d’électeurs potentiels avait donné 8 000 000 de voix au prince-président. Ce plébiscite avait donc accordé à Napoléon III plus de 50% des voix des ELECTEURS POTENTIELS.

Le seul président de la Cinquième République ayant réuni sur son nom plus de 50% des inscrits a été de Gaulle, en une seul et unique circonstance : le référendum du 30 septembre 1958. En plus de 4,5 millions de non-inscrits, il y eut moins de 20% d’abstentions et nuls et la constitution de la Cinquième fut approuvée à 79% des suffrages exprimés, ce qui donnait environ en faveur de cette constitution 55% des français en âge et en droit potentiel de voter. Un score très semblable à celui réalisé à deux reprises par Napoléon III.

Dans toutes les élections, présidentielles ou législatives, qui ont suivi sous la Cinquième République, à une seule exception près, jamais le vote proclamé n’a été obtenu avec au moins 50% des français en âge et droit potentiel de voter. La seule et unique exception est l’élection de Chirac en 2002 : il a réuni sur son nom environ 56% des français en âge et droit potentiel de voter, un score quasiment identique à celui de de Gaulle le 30 septembre 1958.

Exemples :

François Hollande vient d’être élu par 19 000 000 de français, ce qui représente 36% des françaisen âge et droit potentiel de voter.

En 2007, Nicolas Sarkozy avait été élu par environ 44% des français en âge et droit potentiel de voter.

En 1965, de Gaulle, élu contre Mitterrand par 55/45, avait réuni sur son nom sensiblement moins de 40% des français en âge et droit potentiel de voter.

Et ne parlons pas de Pompidou, qui n’avait réuni sur son nom en 1969 qu’un tiers des inscrits (ce qui l’avait fait surnommer ’’Monsieur Tiers’’ par les cocos), c’est-à-dire par moins de 30% des français en âge et droit potentiel de voter.

Giscard et Mitterrand ont réuni sur leur nom, pour leur élection à la présidence respectivement en 1974 et 1981, environ 37% des français en âge et droit potentiel de voter. Chirac 1995 a fait légèrement mieux.

LA PROPORTIONNELLE INTEGRALE

Le seul système d’élections législatives juste est la proportionnelle intégrale avec système de répartition au plus fort reste des voix inutilisées. Si on veut conserver à ce type d’élection un caractère local, il suffit de l’appliquer par départements. C’est ce qu’on appelle ’’ la proportionnelle départementale’’.

Nous ne parlerons que de ce système-là. Mitterrand disait en quoi il avait raison que la proportionnelle départementale est le système électoral législatif le plus juste. Notons que ce système électoral est à un seul tour, ce qui élimine d’office toutes les magouilles d’alliances pourries qui caractérisent nos actuels seconds tours (cf. les scandaleuses pressions de la Aubry pour essayer de sauver la soldat Ségolène).

Le système du plus fort reste fonctionne comme suit : supposons trois listes de candidats A,B,C. Soit E le nombre de suffrages exprimés ; par exemple, supposons que E=1 200 000. Supposons qu’il y ait soixante sièges à pourvoir. Cela fait 1 200 000 divisé par 60 égale 20 000 électeurs par siège. Supposons qu’à une élection, A recueille 552 000, B recueille 378 000 et C recueille 270 000. On a :

552 000 divisé par 20 000=27,6

378 000 divisé par 20 000=18,9

270 000 divisé par 20 000=13,5

Ces nombres ’’ne tombent pas juste’’, ils ne sont pas entiers ; mais on ne peut pas couper un siège en morceaux !

On attribue alors 27 sièges à A, 18 sièges à B et 13 sièges à C. Ce qui fait 58 sièges. Restent deux sièges à attribuer. Quand on retire 27 à 27,6, il reste 0,6, qui correspondent à 0,6 multiplié par 20 000 = 12 000 voix perdues par A une fois servi de ses 27 sièges. De même le reste de B est 0,9 siège, correspondant à 18 000 voix perdues, et le reste de C est 0,5, correspondant à 10 000 voix perdues.

Les nombres fractionnaires 0,9, 0,6 et 0,5 sont les trois ’’restes’’. Le plus fort reste est évidemment 0,9, celui de la liste B. On attribue donc un siège de plus à la liste B. Le reste le plus fort après celui de B est 0,6, celui de A. On peut donc encore attribuer un siège de plus à A. Les deux sièges encore inutilisés étant maintenant distribués, tous les 60 sièges sont pourvus, donc il n’y en a plus à donner à la liste C, qui perdra donc ses 10 000 voix inutilisées.

Comme on le voit, chaque liste se voit attribuer, avec ce système, au plus un siège supplémentaire. On remarque un effet intéressant de ce système : c’est la liste B qui emporte la priorité pour les sièges supplémentaires, bien que ce soit A qui ait gagné l’élection. Autrement dit, le système "au plus fort reste" favorise les listes qui ont perdu l’élection. (C'est d'ailleurs le système qui est utilisé lors des élections professionnelles dans les entreprises afin que les salariés soient réprésentés le mieux possible par les syndicats en compétition. Sans pour cela, que l'on affirme que la démocratie syndicale et de l'entreprise soit bafouée. Les majorité existent et c'est celles-ci qui gèrent les Comités d'Entreprises. Ndlr Gérard Brazon)

Généralement, (cela dépend des scrutins), on affine la proportionnelle en décrétant un plancher de voix au-dessous duquel aucun siège ne sera attribué à la liste (’’élimination des listes fantaisistes’’). Ce plancher varie entre 1% et 5% selon ce que décident les parlementaires.

Voyons maintenant ce qu’aurait donné l’élection législative du 10 juin dernier si elle avait eu lieu à la proportionnelle nationale (pour simplifier. A la départementale ça n’aurait rien changé d’essentiel). Admettons que le plancher de représentativité aurait été de 2% des électeurs exprimés (c’est-à-dire, ce coup-ci, à peine plus de 1% des inscrits).

Auraient eu des élus les blocs PS-PRG-DVG et UMP-DVD-NVC, le FN, le Front de Gauche, EELV et le modem. Pour simplifier, je néglige la correction par le plus fort reste, qui ne modifie rien sauf à la marge.

On aurait eu 44 540 voix par siège.

Les deux blocs principaux auraient obtenu le même nombre de sièges, soit 201 députés chacun.

Le FN aurait obtenu 78 députés.

Le Front de Gauche aurait obtenu 40 députés.

Le groupe EELV aurait obtenu 31 députés.

Le Modem aurait obtenu 13 députés.

Aucun parti n’aurait eu la majorité à lui seul. La bipolarisation n’aurait été que peu affectée, puisque 402 députés sur 577 auraient été réunis par les deux blocs principaux.

Des alliances auraient donc été nécessaires pour faire voter quoi que ce soit. On constate qu’il y aurait eu deux alliances logiques : le groupe UMP et plus avec le FN, et le groupe PS plus le Front de gauche, plus le groupe EELV. Le Modem aurait pu parfois jouer les arbitres. Les deux groupes logiques auraient pu parfois laisser place à d’autres regroupements, sur certains sujets spécifiques. Le FN aurait pu faire prendre en compte les plus légitimes de ses professions de foi, mais n’aurait jamais rien pu imposer à lui seul !

On le comprend, la chambre ci-dessus aurait été infiniment plus représentative du peuple de France et le fonctionnement du gouvernement aurait été infiniment moins brutal. Les élus seraient bien plus au service de leurs électeurs qu’en train de les violenter comme ils en ont l’habitude. Rien ne pourrait être voté contre la majorité des électeurs. Des aberrations comme la totalité des pouvoirs à 17% des français en âge et droit potentiel de voter, ce que nous voyons en ce moment, seraient tout à fait impossibles. La guerre franco-française s’arrêterait d’elle-même et les seules batailles seraient les batailles parlementaires, au lieu d’être ces insupportables affrontements idéologiques jusque dans la rue, avec menaces de lutte des classes, qui caractérisent notre actuelle situation. Pour gagner à la chambre des députés, il faudrait réellement mériter un consensus général et se montrer le meilleur, au lieu qu’actuellement il faut être le meilleur démagogue.

La conclusion, chaque lecteur la tirera lui-même.

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