Un musulman français lucide: Abdennour Bidar.

Publié le 7 Septembre 2010

Abdennour Bidar, un musulman français lucide... qui ose critiquer la violence de l’islam par Chantal Crabère

(extrait)

         (...) Il est intéressant aujourd’hui de réécouter son intervention, tout à fait à l’opposé des positions de Tariq Ramadan http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/voile-integral/voile-integral-20090708-2.asp ?

          Il a surtout mis en évidence les vieux démons de l’islam dont il espérait que nos sociétés occidentales pouvaient aider les musulmans à se débarrasser (puisse-t-il être exaucé !)

             Le premier démon est le rapport que l’islam entretient avec le formalisme et avec les signes extérieurs de religiosité. En islam, il faut montrer et se montrer. C’est, dit-il, une religion qui a toujours imposé un formalisme en étouffant les croyants, une sorte de « machine à broyer l’identité personnelle » qui veut imposer aux musulmans une « normativité ».

             Second démon, la discrimination des femmes, pour lui c’est le problème derrière la burqa.

            Ensuite le troisième démon de l’islam c’est sa prétention à légiférer, à produire du politique avec le religieux. Derrière la revendication du voile et de la burqa, il y a la volonté de certains de faire valoir une loi islamique qui entrerait dans une exigence de reconnaissance vis-à-vis de nos législations et qui devrait s’imposer en véritable loi politique.

           Il a donc fait là un excellent exposé des démons de l’Islam. Aujourd’hui il réaffirme qu’il veut des croyants libres et libérés, libérés de la pression, des habitudes, de la normativité. On ne peut que souscrire favorablement à tout cela.

 

              Ne doutons pas que sa prise de position courageuse et audacieuse sera bien accueillie par tous ceux qui s’inquiètent du tournant dramatiquement intégriste que prend l’islam dans notre pays, en Europe et dans le monde. Il doit poursuivre dans cette voie. Puisse-t-il ne pas rester seul mais entraîner avec lui d’autres intellectuels et musulmans républicains. Sans doute lui est-il plus facile qu’aux autres, lui l’intellectuel philosophe, de prendre de la hauteur, de garder sa liberté par rapport aux dogmes, de rejeter les pressions intégristes. La masse des musulmans le suivra-t-elle dans cette libération qu’il appelle de ses vœux ?

            Qu’il nous soit permis d’en douter. Samedi 28 lors de notre intervention Place du Capitole à Toulouse, pour dénoncer la lapidation, sont passées 3 jeunes femmes entièrement voilées de la tête aux pieds, elles ont pris le tract (Lapidation : ça suffit !) l’ont froissé et jeté par terre. Ont-elles conscience de leur responsabilité ? Comme elles doivent ravir les mollahs d’Iran (pro lapidation), si heureux de l’arrivée et de l’adoption du voile en Europe, ils ne peuvent trouver de meilleures alliées que ces musulmanes occidentales pour continuer d’opprimer leurs femmes iraniennes ! (...)

 

Article du Monde

               La monstrueuse condamnation d'une femme à la lapidation par la République islamique d'Iran donne encore une fois de l'islam une image catastrophique, celle d'une religion archaïque, violente et totalitaire. N'essayons pas en effet de dédouaner la religion islamique du meurtre programmé de Sakineh Mohammadi-Ashtiani en soutenant qu'il s'agit d'une décision politique. Le pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad se fonde sur une idéologie reconnue comme celle d'un islam fondamentaliste.

En tant qu'intellectuel musulman, je dois prendre la responsabilité de dire cela haut et fort, en m'insurgeant contre cette sentence de lapidation au nom de la dignité de la personne humaine. Mais je ne saurais m'en tenir à cette indignation. Si en effet la pulsion totalitaire de la religion islamique trouve là l'une de ses expressions les plus inhumaines, il faut y voir simplement l'une des formes les plus radicales d'une logique générale qui a pris, au fil des siècles, le contrôle de la vie spirituelle des musulmans du monde. Hélas !, la religion islamique entière se nourrit de violence.

Prenons l'exemple le plus actuel, celui du mois de ramadan qui s'est ouvert le 11 août. Evidemment, nous paraissons ici au plus loin de l'affaire de la lapidation, et aujourd'hui en France l'on n'entend guère de critiques sur cette pratique du jeûne. Au contraire, s'est installée sur la question une sorte de consensus angélique. Nous aurions là un événement "entré dans la vie et ancré dans le calendrier de la nation" et nos médias semblent incapables de faire autre chose que de célébrer la convivialité, la solidarité, le caractère festif de cette période.

Soit, mais qui soulignera en contrepartie le caractère violent de ce jeûne total exigé de la part de tout pratiquant pubère du matin au soir pendant un mois entier ? De nombreux musulmans éludent la question en prétendant que, pour l'individu qui a la foi et qui est entouré d'autres musulmans solidaires dans leur jeûne, celui-ci est facile.

Comment peut-on avoir l'inconscience de prétendre cela ? Jeûner toute la journée, sans avoir même le droit de boire un peu d'eau, et ce pendant un douzième de l'année, constitue un exercice de privation radical et relève d'un ascétisme religieux de haut niveau que rien ne justifie d'ordonner à l'ensemble d'une communauté. La tradition n'exempte de cet effort supérieur que les malades, les femmes enceintes ou en période de menstruation et les voyageurs.

Mais force reste à la loi totalitaire qui ne reconnaît aucun droit au choix personnel : seul est reconnu comme vrai musulman celui qui jeûne. L'orthodoxie d'institution - les dignitaires - et l'orthodoxie de masse - le corps communautaire - exercent là sur les comportements une double surveillance et censure.

Il n'y a peut-être pas de commune mesure entre la pratique ignoble de la lapidation des femmes et celle du ramadan. Mais il y a entre elles ce rapport que le discernement doit savoir établir entre une radicalité générale et l'un de ses excès les plus extrêmes. Ici et là, ce qui se manifeste est une violence infligée à la personne humaine au nom de la religion. L'islam n'a pas commencé de dénouer le rapport qui unit la violence et le sacré.

Chacune de ses pratiques en porte la marque infamante, à des degrés certes très divers mais toujours repérables. Les cinq prières quotidiennes exigées à heure fixe ? Une violence morale faite au jugement personnel d'un être humain qui pourrait prétendre choisir les moments qu'il veut consacrer à sa vie spirituelle. Le pèlerinage à La Mecque ? Une violence symbolique et politique par laquelle l'islam mondial est maintenu inféodé à la tutelle du wahhabisme saoudien.

Il ne s'agit pas de condamner ces pratiques rituelles - jeûne, prière, pèlerinage - en tant que telles. Elles peuvent offrir un support efficace au besoin éprouvé par tel individu de mener une vie spirituelle (étant bien entendu que celle-ci peut aussi se conduire hors de tout champ religieux).

Mais qu'est-ce que les musulmans attendent pour les déclarer libres ? Contrairement à l'objection courante, cela n'atomiserait pas la communauté, mais la ferait passer de l'état clos de l'uniformité à l'état ouvert de la diversité. Et contrairement à une autre objection, cela ne détruirait pas l'autorité de Dieu, mais obligerait chaque conscience à aller chercher cette voix divine dans sa propre intériorité. Enfin, cela permettrait à l'islam de sortir de sa logique générale de radicalité et de violence dont la sentence de lapidation contre laquelle nous nous insurgeons aujourd'hui n'est qu'un extrême.

Si cette culture religieuse de l'islam ne change pas, elle continuera de se déconsidérer aux yeux du monde. Car de tels excès monstrueux ne peuvent évidemment pas surgir n'importe où et il serait trop facile de les considérer comme des phénomènes n'ayant - selon la formule consacrée par les bien-pensants - "rien à voir avec l'islam". Ils ne sont que la grimace la plus affreuse d'une religion qui passe son temps à se caricaturer elle-même. "Qui bene amat bene castigat", qui aime bien châtie bien.

 

Abdennour Bidar, professeur de philosophie en classes préparatoires à Sophia-Antipolis

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Politique Française

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