Mobilisation générale au ministère de l'Intérieur
Publié le 12 Octobre 2012
« Nous sommes face à un processus de radicalisation »
Paris Match. Peut-on parler de jurisprudence Merah à propos de l’arrestation, le week-end dernier, par les services antiterroristes, de 12 islamistes radicaux ? Autrement dit, le parcours de l’apprenti-djihadiste toulousain vous a-t-il convaincu d’agir plus rapidement sur le démantèlement des réseaux islamistes, quitte à ne pas attendre d’avoir remonté toute la filière ?
Manuel Valls. Les enseignements du parcours de Merah nous obligent à une très grande vigilance. Il est évidemment très important de remonter une filière pour démanteler le maximum de réseaux ou de cellules. Pour ce qui est des interpellations de samedi, une action rapide, sous la conduite du Parquet, s’imposait, car il y avait un risque. Je veux saluer l’action remarquable des policiers. C’est la volonté du président de la République de tout faire pour assurer la sécurité des Français. Il n’est pas question de prendre le moindre risque concernant un éventuel passage à l’acte de certains individus.
PM : Quelles leçons, en matière de surveillance d’individus dangereux, avez-vous tirées de l’affaire Merah ?
MV : L’adaptation et la souplesse doivent être les mots clés de nos services pour répondre à l’émergence d’une nouvelle génération de djihadistes. Les dérives liées à la délinquance, à la violence, au séjour en prison où peut se produire une rencontre avec l’islamisme radical, nous obligent à cette réponse adaptée. Il convient également de s’attaquer à la radicalisation sur Internet. La menace ne provient plus seulement de l’extérieur, elle vient désormais aussi de l’intérieur, car il s’agit de jeunes Français.
PM : Vous parlez d’une réponse adaptée à cette nouvelle forme de terrorisme islamiste qui mélange délinquance et radicalisme islamiste. Concrètement, cela va se traduire comment ?
MV : Désormais, la menace est plus diffuse, elle vient notamment de nos quartiers. Elle peut mêler petite délinquance, crime, antisémitisme virulent et terrorisme. Nous sommes face à un processus de radicalisation. Le travail de surveillance est donc considérable. Et c’est un fait que l’affaire Merah a révélé des failles.
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PM : Vous avez annoncé de nouvelles dispositions à la loi antiterroriste, qui seront discutées au Parlement. Comme la pénalisation du passage par des camps d’entraînement ou des écoles coraniques à l’étranger. Le passage par l’étranger est-il l’élément déterminant pour évaluer la dangerosité des potentiels terroristes des cités ?
MV : Oui, incontestablement, des séjours en Tunisie ou en Égypte ont conforté les parcours des interpellés de samedi. Il semblerait bien que certains d’entre eux avaient le projet d’aller combattre en Syrie. Nous devons donc améliorer la capacité du suivi de ces itinéraires. Nous procéderons par ailleurs à des expulsions d’éléments radicaux.
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PM : La prévention du terrorisme passe aussi, avez-vous dit, par la mobilisation des Français. Qu’entendez-vous par “mobilisation” ? Des dénonciations ?
MV : Je suis frappé d’entendre depuis quelques jours, dans les médias, nombre de témoignages de personnes qui parlent de proches, tombés dans cet islam sectaire. Donc, oui, j’en appelle à la responsabilité des parents et des citoyens. Il y a quelques semaines, à Toulon, une sœur a essayé de protéger son jeune frère pour l’empêcher de passer à l’acte. Elle a alors alerté la police qui a pu l’interpeller et, sans doute, éviter le pire.
PM : L’appel à la dénonciation, cela peut aussi amener à certaines dérives…
MV : C’est évident, mais le témoignage sous le contrôle de la loi ou du juge peut être précieux.
Propos recueillis par Delphine Byrka et Elisabeth Chavelet.