Le vote des Français juif pour le Front National existe bel et bien et augmente.
Publié le 7 Août 2014
Encore marginal, le Front National gagne du terrain dans la communauté juive. Au-delà du vote, c'est le nouveau discours de sa présidente qui trouve un écho.
C'était en 2012. Quelques semaines avant le premier tour de l'élection présidentielle, le site d'informations JSS News, bien connu des juifs de France, voit fleurir, parmi les commentaires, quelques allusions surprenantes à Marine Le Pen : "Elle peut peut-être nous protéger...!" affirment les internautes. "Elle lutte contre la criminalité et contre l'islam, ce qui signifie qu'elle défend les juifs", renchérit à la même époque Michel Thooris, un cadre juif du FN, dans un article du quotidien israélien Haaretz.
Deux ans plus tard, et avant que le conflit ne s'enflamme à nouveau au Proche-Orient, Marine Le Pen martèle, dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles : "Je ne cesse de le répéter aux Français juifs [...] : non seulement le Front national n'est pas votre ennemi, mais il est sans doute dans l'avenir le meilleur bouclier pour vous protéger, il se trouve à vos côtés pour la défense de nos libertés de pensée ou de culte face au seul vrai ennemi, le fondamentalisme islamiste."
Le 1er août, invitée de RTL, la présidente du Front national fait remarquer que, "s'il existe une Ligue de défense juive (LDJ), c'est qu'il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécu rité". Elle exhorte l'Etat à davantage se préoccuper des individus que de la LDJ, cette organisation d'autodéfense menacée de dissolution, dont l'un de ses amis, Philippe Péninque, est l'ami du porte-parole historique, Eliahou Nataf.
Les juifs se tournent-ils dorénavant vers le Front national, parti dont le fondateur a déjà été condamné pour propos antisémites ? "Il n'est pas question que le FN nous instrumentalise", s'agace Joël Mergui, président du Consistoire français. Et, si des estimations internes à la communauté chiffrent à environ 8% le vote frontiste en 2012, cela demeure moins que la moyenne française. "Je préférerais dire que c'est un groupe politique comme le FN qui me fait peur plutôt qu'un mouvement religieux comme l'islam, assure Jonathan-Simon Sellem, créateur du site sioniste JSS News, proche de la droite israélienne. Mais ce n'est pas le cas.
Le problème, c'est que, quand Marine Le Pen dit "il fait beau", tout le monde se sent obligé de dire "il pleut"." "Je préfère mille fois serrer la main de Marine Le Pen que d'un responsable du Front de gauche qui défile à côté des drapeaux du Hamas et du Hezbollah", jure l'avocat et dirigeant du Crif Gilles-William Goldnadel. Tandis que les syndicats, des partis à la gauche de la gauche, tels le Nouveau Parti anti-capitaliste ou les communistes, ainsi que des membres du PS, comme les députés Razzy Hammadi et Alexis Bachelay, inquiètent la communauté juive par leurs positions jugées trop pro-palestiniennes, le discours du Front national cadre mieux avec les aspirations de certains amis d'Israël. "Quand l'Algérie marque un but, il y a des incidents dans la rue, se désole un jeune juif. Pour certains d'entre nous, la France n'a plus d'identité, ce pays est mort."
Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen, aux origines juives, a troublé la communauté lorsqu'il a demandé que les jeunes Franco-Israéliens partis faire leur service militaire pour Tsahal soient déchus de leur nationalité française. "La communauté la plus loyale et la plus citoyenne, c'est la communauté juive, s'insurge Gilles-William Goldnadel. Cela n'a rien à voir avec un djihadiste qui partirait en Syrie et revien drait ici avec des mauvaises intentions. Cela ne sert à rien de mettre dans le même sac ceux qui sont loyaux à la France et ceux qui la détestent."