Poême sur ces mots d'injures pour beaucoup: Pieds Noirs
Publié le 5 Janvier 2011
On nous appelle "Pieds Noirs" et ces deux mots jetés péjorativement, souvent comme une insulte, sont devenus pour nous bien plus qu'un sobriquet.
On nous appelle "Pieds Noirs" avec cette nuance de dédain, de mépris attachée à ces mots qui pour nous, ont un sens de plus grande importance
On nous appelle "Pieds Noirs", nous acceptons l'injure, et ces mots dédaigneux sont comme un ralliement, comme un drapeau nouveau, comme un emblème pur
On nous appelle "Pieds Noirs", il y a sur nos visages le regret nostalgique des horizons perdus, et dans nos yeux noyés, d'éblouissants mirages.
On nous appelle "Pieds Noirs" il y a dans nos mémoires le souvenir joyeux des belles heures d'autrefois, de la douceur de vivre, et des grands jours de gloire.
On nous appelle "Pieds Noirs", ami, te souviens-tu de nos champs d'orangers, de nos coteaux de vigne, et de nos palmeraies, longues à perte de vue ?
On nous appelle "Pieds Noirs", mon frère, te souvient-il du bruyant Bab-el-Oued, d'El Biar sur sa colline, des plages d'Oranie, du glas d'Orléansville ?
On nous appelle "Pieds Noirs", là-bas dans nos villages, qu'une croix au sommet d'un clocher dominait, il y a un monument dédié au grand courage.
Les nommait-on "Pieds Noirs" les morts des deux carnages de 14 et 39, les martyrs, les héros ? Qui les honorera maintenant tous ces braves ?
On nous appelle "Pieds Noirs", mais ceux qui sont restés, ceux de nos cimetières perdus de solitude,
Qui fleurira leurs tombes, leurs tombes abandonnées ?
On nous appelle "Pieds Noirs" nous avions deux patries, Harmonieusement si mêlées dans nos coeurs,
Que nous disions "ma France", en pensant "Algérie"
On nous appelle "Pieds Noirs" mais nous sommes fiers de l'être
Qui donc en rougirait ? Nous ne nous renions pas Et nous le crions fort, pour bien nous reconnaître
On nous appelle "Pieds Noirs", nous nous vantons de l'être Car nous sommes héritiers d'un peuple généreux Dont l'idéal humain venait des grands ancêtres
On nous appelle "Pieds Noirs" qu'importe l'étiquette qu'on nous a apposée sur nos fronts d'exilés,
Nous n'avons pas de honte, et nous levons la tête.
Ô mes amis "Pieds Noirs" ne pleurez plus la terre et le sol tant chéris qui vous ont rejetés,
Laissez les vains regrets et les larmes amères
CE PAYS N'A PLUS D'ÂME, VOUS L'AVEZ EMPORTÉE.
Décembre 1962 Camille Bender
Ce poème qui m'a été donné par un lecteur a le mérite d'exister et d'être un ressenti. Qu'importe s'il n'est pas le ressenti de tous les "pied noirs". Tous ceux que j'ai pu rencontrer ont cette souffrance des déracinés.
Et puis, il suffit de constater dans quel états sont les cimetières chrétiens en Algérie pour réaliser combien il est dur à ces français de penser sans souffrance à cette vie d'autrefois et à ce qu'ils ont laissé "la bas" comme ils disent.
Ma position n'est pas politique! Elle est sur le plan de l'humain et du coeur.
Gérard Brazon