Baby Loup, la voilée et la Cour de cassation....
Publié le 20 Mars 2013
La cour de Cassation a décidé ce mardi de casser et d'annuler l'arrêt rendu le 27 octobre 2011 par la cour d'appel de Versailles dans l'affaire de la crèche privée Baby Loup. Elle renvoie l'affaire devant la cour d'appel de Paris. La crèche située à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) avait licencié une employée en 2008 parce qu'elle refusait d'ôter son foulard islamique au retour d'un congé parental.
La directrice, Natalia Baleato, avait invoqué une obligation de «neutralité philosophique, politique et confessionnelle» prévue par le règlement intérieur.
«S'agissant d'une crèche privée», la plus haute juridiction judiciaire a estimé que le licenciement de Fatima Afif constituait «une discrimination en raison des convictions religieuses» et devait être «déclaré nul». Elle estime que le principe de laïcité n'est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. L'association Baby Loup a en plus été condamnée à payer 2 500 € à Fatima Afif.
(Il est à noter que la crèche en cause est la seule du quartier est qu'elle est donc de facto un service public. Mais si des juristes disent que non dans les textes. Rappelons également qu'un service public peut être effectué par une entreprise privé. De plus, cette femme a été embauchée sans son voile sur un contrat de travail faisant référence à un réglement intérieur qui interdisait le port de signes religieux ostentatoires! C'est donc un mauvais signe fait contre la laïcité et l'emploi de jeunes musulmanes car plus aucun employeur n'est désormais à l'abri d'une embauche puis au bout d'une période d'essai et du CDI, d'avoir uu voile ou du niqab in fine. Ndlr Gérard Brazon)
«Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché», écrit la chambre sociale de la Cour de cassation dans un communiqué.
«Tel n'est pas le cas de la clause générale de laïcité et de neutralité figurant dans le règlement intérieur de l'association Baby Loup applicable à tous les emplois de l'entreprise, poursuit-elle. Une telle clause étant invalide, le licenciement de la salariée pour faute grave aux motifs qu'elle contrevenait aux dispositions de cette clause du règlement intérieur constitue une discrimination en raison des convictions religieuses et doit être déclaré nul.» (Le fait donc d'une présence par définition prosélyte et revendiquée comme telle auprès d'enfants est écartée...)
Valls regrette une «mise en cause de la laïcité»
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, qui avait défendu la position de la crèche alors qu'il n'était encore que député PS de l'Essonne, a regretté une «mise en cause de la laïcité». Des personnalités comme la philosophe Elisabeth Badinter, marraine de la crèche, ou Jeannette Bougrab, ex-secrétaire d'Etat UMP à la jeunesse, s'étaient également mobilisés en faveur de la crèche associative.
L'ex-employée avait attaqué l'établissement pour licenciement abusif et réclamait 80 000 € de dommages et intérêts. Elle avait été déboutée à deux reprises par la justice : par les Prud'hommes en 2010 puis par la cour d'appel de Versailles en octobre 2011.
Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) a estimé ce mardi que la Cour de Cassation s'était érigée en «rempart contre les tenants du dévoiement de la laïcité». Il avait toujours considéré ce licenciement «comme injuste et discriminatoire», écrit l'association militante dans un communiqué. Créé en 2003, ce collectif qui revendique 700 adhérents, mène des campagnes de lutte contre les préjugés sur l'islam et d'aide aux victimes de discrimination.
Les partisans de la laïcité souhaitent adapter les lois
Tous les partis sont globalement critiques face à l'annulation de la Cour de Cassation, et jugent le corpus législatif défaillant. La députée Marion Maréchal-Le Pen (FN) «déplore la décision de la Cour de cassation» et est «assez étonnée et quand même satisfaite que M. Valls la déplore également». Elle rappelle que son parti souhaitait «l'interdiction les signes religieux ostentatoires dans les rues». Pour Eric Ciotti (UMP), «il faudra légiférer pour prendre en compte le sens de cet arrêt et pour faire en sorte que le principe de laïcité dans ce cadre soit précisé par la loi.»
«On a peut-être à se poser la question de l'adaptation de notre corpus législatif, pour partout et tout le temps préserver et sanctuariser la laïcité», réagit le socialiste Jérôme Guedj dans les couloirs de l'Assemblée nationale.
LeParisien.fr