Tapis de prière dégradés à Poitiers: cinq ans de prison? Alors que l'on tue des policiers ailleurs...
Publié le 23 Octobre 2012
Par Michel Garroté,
Au total, l’ensemble du mouvement identitaire en France, dépasse les 4’000 membres. La participation de Fabrice Robert, président du Bloc Identitaire (BI), au congrès du Vlaams Belang et celle de Jacques Cordonnier, président d’Alsace d’Abord, à la marche des libertés de Cologne, donnent un aperçu du combat mené par les Identitaires, qui revendiquent une Europe libre et indépendante. Les débats menés par le BI en Belgique, en Alsace et à Cologne, avec Filip Dewinter, leader du Vlaams Belang, Bruno Valkeniers, président du VB, Harald Vilimsky, secrétaire général du FPÖ autrichien, Markus Wiener, secrétaire général de Pro-Köln, et, avec d’autres leaders identitaires européens, permettent de prendre la mesure de l’alliance des forces populistes et identitaires à l’échelle de l’Europe. Voilà pour les présentations d’usage.
Maintenant les faits. Quatre militants de Génération Identitaire (http://www.generation-identitaire.com/), placés en garde à vue samedi 20 octobre 2012, après avoir occupé avec 70 autres de leurs militants le chantier d’une mosquée à Poitiers, sont présentés, aujourd’hui, lundi 22 octobre, à un juge d’instruction en vue de leur mise en examen, apprend-on de source judiciaire dans la matinée. Les quatre hommes, âgés de 23 à 26 ans, sont déférés au parquet de Poitiers qui ouvre une information judiciaire. Le parquet précise qu’il communiquera ce lundi dans la journée les motifs de poursuite retenus.
Aujourd’hui en milieu d’après-midi, on apprend que sur les quatre jeunes hommes déférés devant le juge d’instruction, deux ont été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. Les deux autres devraient connaître le même sort. Il est reproché à ces quatre jeunes hommes sans aucun antécédent judiciaire, leur implication dans l’organisation et la conduite de l’action à Poitiers. Le contrôle judiciaire les laisse en liberté, du moins ne les maintient pas en détention, mais leur interdit : toute activité associative ou sociale en lien avec la mouvance identitaire ; de sortir des limites territoriales du département de leur domicile ; et d’avoir des contacts avec toutes les personnes ayant participé à la manifestation.
Aujourd’hui en fin d’après-midi, on apprend que les mises en examen ont été prononcées pour, d’une part, « organisation d’une manifestation publique n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi », pour « provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, par des discours proférés dans un lieu ou réunion publics et par des placards ou affiches exposées au regard du public » et, enfin, pour « vol et dégradations de biens commis en réunion et portant sur des tapis de prière appartenant à la mosquée de Poitiers ». Ce dernier délit serait puni de cinq ans d’emprisonnement maximum.
L’organisation d’une manifestation sans déclaration préalable est réprimée de six mois de prison et la provocation à la haine raciale d’un an de prison. Pour le délit de provocation à la haine raciale ou religieuse, le parquet a retenu comme élément constitutif de l’infraction « le fait d’investir dans le cadre d’une action concertée et préméditée la terrasse d’une mosquée en construction, en déployant trois banderoles, l’une affichant le nom du mouvement « Génération identitaire », les deux autres portant les mentions « 732″ et « souviens-toi, Charles Martel », faisant ainsi directement référence à la bataille de Poitiers de 732 », informe le parquet dans un communiqué.
Il est intéressant de relever avec quelle rigueur, quelle précision, quel respect de la religion (musulmane) et quelle rapidité, la justice française opère dans cette affaire : en France, en 2012, la « dégradation » (?) de tapis de prière musulmane serait passible de cinq ans de prison. Dans quel monde vivent ces gens ?
(...)
Aujourd’hui, lundi 22 octobre, le journaliste chrétien Paul Ohlott effectue un premier bilan (voir liens vers sources en bas de page) : Lorsque Jean-Marc Morandini avait écrit, en 2004, un livre sur « le bal des faux-culs », c’était essentiellement pour dénoncer les coulisses de la « télé marchande », véritable « machine à fric ». Malheureusement, en 2012, force est de constater que les « faux-culs » règnent toujours au sein du petit monde politico-médiatique. Souvenez-nous du feuilleton judiciaire des « Pussy Riot ». Les faits se déroulent le 21 février dernier, en Russie. Un groupe de punk entre dans une cathédrale moscovite, l’occupe sans autorisation, et entonne un chant anti-poutine.
« Elles ont d’abord été dans l’église Elokhovskaya et se sont livrées à un véritable sabbat, puis elles ont été dans une autre église pour se livrer à un nouveau sabbat. L’Etat a l’obligation de protéger les sentiments des croyants », avait alors réagi le président russe. Au mois d’août, la justice russe a condamné les trois chanteuses à deux ans d’enfermement. C’est alors que les médias et politiques occidentaux se sont unanimement indignés contre la décision de justice, tout en omettant de s’indigner du fait que ces femmes avaient envahi une cathédrale (pas juste le toit) à des fins politiques.
A l’échelle internationale, le département d’Etat américain avait dénoncé un verdict « disproportionné » et s’est dit « préoccupé » par « l’impact négatif sur la liberté d’expression en Russie ». De son côté, la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Catherine Ashton, avait déclaré que « les charges de hooliganisme et de haine religieuse ne doivent pas être utilisées pour limiter la liberté d’expression ».
Bien entendu, en France, la caste politico-médiatique était sur la même longueur d’onde. A titre d’exemple, Vincent Jauvert, journaliste au Nouvel OBS, a écrit un billet d’humeur (1) au sein duquel il ne condamne absolument pas l’occupation d’une église, préférant condamner la justice russe : « Le jugement, qui vient d’être prononcé à l’encontre des trois jeunes femmes du groupe Pussy Riot, est terrible, inique. Comment va réagir la patrie des Droits de l’Homme ? Par l’expression de « sérieuses inquiétudes ? Ou beaucoup plus fermement, par des sanctions ? ». Pour l’AFP, dont la dépêche a été reprise par Libération (2), il n’y a rien à redire non plus sur l’occupation de la cathédrale, et il s’agit simplement d’une affaire qui a « eu un grand retentissement, suscitant de nombreuses critiques d’une condamnation jugée disproportionnée par rapport aux faits reprochés ».
Par ailleurs, on se souvient que Cécile Duflot, Ministre du Logement et de l’Egalité des territoires, avait enfilé une cagoule à Poitiers (lors des journées d’été des écologistes) pour soutenir les Pussy Riot (3).
Suivant son exemple, d’autres leaders écologistes s’étaient également prêtés au jeu. Aucun d’eux n’a semblé choqué et n’a pris soin de condamner l’occupation d’une église à des fins politiques. Aurélie Filippetti, la ministre de la culture, avait pour sa part appelé les autorités russes à respecter le « principe de liberté sans lequel aucune création n’est possible », précisant encore : « Ce qui leur est reproché est ni plus ni moins d’avoir librement exercé leur art.
A travers elles, c’est la liberté de création des artistes qui est mise en accusation. De tout temps, la création a connu une indispensable dimension provocatrice. La liberté de création est aussi la liberté de critiquer le pouvoir en place.
C’est la force d’une démocratie que de savoir accepter cette licence artistique et de protéger les artistes qui l’exercent » (4). Elle aussi, visiblement, considère qu’il est normal qu’une église puisse être ainsi occupée à des fins politiques.
La machine politico-médiatique était unanime : envahir une cathédrale à des fins politiques relève de la « liberté d’expression » et de la « liberté artistique », et il n’y a pas à s’émouvoir qu’une église ait pu être ainsi occupée. Soit.
En toute logique, nous devrions donc trouver des réactions similaires concernant l’occupation pacifique du toit d’une mosquée en construction, par le mouvement des « identitaires » dont l’opération avait pour principal objectif de réclamer un référendum sur l’immigration et la construction de mosquées en France.
Qu’en est-il ? Petite revue de presse :
« Une action qui a suscité l’indignation du gouvernement et du CFCM qui a jugé l’événement sans précédent, alors la gauche a demandé la dissolution du ce groupe. Une enquête a été ouverte par le procureur de la République de Poitiers pour « manifestation non autorisée, provocation à la haine raciale, participation à un groupement en vue de la préparation de dégradation de biens en réunion ». La qualification de « vol et dégradation en réunion » est également retenue notamment concernant une dizaine de tapis de prière déplacés de la mosquée sur le toit et très fortement endommagés par la pluie.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a « condamné » l’envahissement par des militants d’extrême droite. De son côté, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a dénoncé « la provocation haineuse et inadmissible » et « les amalgames douteux » d’un groupe d’extrême droite. M. Valls « garantit que l’Etat fera preuve de la plus grande fermeté face aux manifestations d’intolérance qui déchirent le pacte social », précise dans un communiqué le ministère de l’Intérieur.
Le président de l’Observatoire contre l’islamophobie au Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, a condamné dans un communiqué « ce coup de force pratiqué par des extrémistes venus de toute la France pour prêcher encore une fois la haine anti-islam ». « Cette occupation grave, sauvage et illégale, accompagnée de slogans hostiles à l’islam et aux musulmans, est sans précédent dans l’histoire de notre pays », a estimé le CFCM dans un communiqué, craignant que « notre vivre ensemble et notre cohésion nationale » soit mis à mal « par l’incitation à la haine et à la division » (Le Parisien / AFP).(Le délit de blasphème est nettement caractérisé par ces propos car il semble bien que dans ce pays, nul ne peut plus critiquer l'islam et les musulmans. Ndlr Gérard Brazon)
Le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé tout comme le président du Parti radical Jean-Louis Borloo ont également condamné cette occupation. A gauche, le nouveau premier secrétaire du PS, Harlem Désir, le PCF et Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche (PG) sont allés plus loin, exigeant la dissolution des « groupes impliqués » dans cette action. Europe Ecologie-Les Verts « condamne fermement » l’occupation et « rappelle la réalité de notre pays, multiculturelle et métissée » (Le Nouvel Observateur / AFP).
Sur RFI : « Dans le centre de la France, à Poitiers, une mosquée en construction a été occupée pendant plusieurs heures, ce samedi 20 octobre 2012, par des militants d’extrême droite, lors d’une manifestation sans précédent qualifiée de provocation haineuse par le gouvernement. La communauté musulmane est indignée ».
« Mosquée de Poitiers : provocation lamentable et pleine de fiel. Le chantier de la future mosquée de Poitiers a été envahi ce samedi par un groupe se réclamant de l’extrême droite, (ce qui est faux. C'est la presse qui accole cette définition à Génération identitaire. Ndlr Gérard Brazon) Cette provocation stupide et pleine de fiel est inacceptable. Ce groupuscule doit être dissous et ses responsables poursuivis pour provocation à la haine raciale » (PCF). (On se souvient des comportements du PCF avant, et pendant l'occupation nazie au moins jusqu'en juin 41. Puis des abus à la Libération, puis des prises de positions anti française sur l'Indochine, sa participation au financement du FLN algérien, etc. Quelles leçons ose-t-il encore donner. Ndlr Gérard Brazon)
« Occupation de la mosquée de Poitiers, une atteinte grave à la liberté de culte musulman. Face à cette nouvelle atteinte grave et manifeste contre un lieu de culte et à l’encontre de fidèles, empêchés de célébrer la prière du matin, les fédérations musulmanes de France expriment leur vive condamnation et leur profonde inquiétude devant une recrudescence d’actes haineux et islamophobes. Les nombreuses déclarations de certains hommes politiques, instrumentalisant la peur de l’islam, de façon irresponsable, creusent le lit d’une stigmatisation injustifiée de la communauté musulmane et mettent aujourd’hui en péril la paix, la justice et la sérénité dans notre pays » (Communiqué rédigé par la Grande Mosquée de Paris, l’UOIF et le CCMTF). (Délit de blasphème encore et toujours...)
etc.
Autrement dit, selon le « bal des faux-culs », on peut donc occuper une église à des fins politiques et au nom de la «liberté d’expression », mais en aucun cas le toit d’une mosquée.
Un poids deux mesures ? Au fait, le « bal des faux-culs » était-il en émoi, lorsqu’un groupe de rap avait grimpé sur le toit d’une église de Nice pour y hisser un drapeau algérien (comportant un croissant islamique) ? (Voir le clip). La gauche a-t-elle réclamé unanimement la dissolution de ce groupe ou a-t-elle considéré que leur provocation entrait dans le cadre de la merveilleuse « liberté artistique » ?, conclut Paul Ohlott.
De son côté la présidente du FN (cf. lien vers source en bas de page), Marine Le Pen, s’e déclare, ce lundi 22 octobre, atterrée par les réactions d’hystérie de la classe politique à l’occupation du chantier de la grande mosquée de Poitiers par un groupuscule d’extrême droite, dont elle ne partage pas le mode d’action. « Je suis atterrée par les réactions d’hystérie de la classe politique », déclare-t-elle. « J’aurais bien aimé qu’il y ait les mêmes réactions d’hystérie quand il y a eu des multiples occupations d’églises ». Elle juge disproportionnées les demandes de dissolution de Génération identitaire, dont 73 militants ont investi le chantier de la mosquée de Poitiers. « Il faut aussi demander la dissolution du Gisti, de SOS-Racisme, qui avaient poussé à l’occupation d’un certain nombre d’églises », estime-t-elle, en allusion à la présence de sans-papiers à Saint-Bernard à Paris en 1996 et à la basilique-cathédrale de Saint-Denis en 2002.
« Je comprends les craintes et les préoccupations de la construction de ces gigantesques mosquées, ces mosquées-cathédrales avec des minarets de 22 mètres sans d’ailleurs bien souvent que l’avis des riverains ait été sollicité », déclare-t-elle. Elle évoque aussi « des financements contestables, soit parce qu’ils ont été financés par le biais de l’Etat ou des collectivités locales, soit qu’ils sont financés par l’UOIF, qui est une branche des Frères musulmans, c’est-à-dire d’une vision très radicale de l’islam. « Moyennant quoi, je ne partage pas ce mode d’action car je respecte la loi de 1905, que j’essaie de faire appliquer en toutes circonstances et je pense que les lieux de culte ne sont pas le lieu de l’expression politique », ajoute-t-elle. « Une demande de référendum sur ce sujet [la construction des mosquées] ne m’apparaît pas critiquable », précise Marine Le Pen.
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L’article de Paul Ohlott et sources par lui citées
(1) http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2012/08/17/pussy-riot-que-va-dire-la-france.html
La réaction de Marine Le Pen