Sur "Fournée": les faits, rien que les faits. C'est une manipulation médiatique par Stéphane Pichon.
Publié le 11 Juin 2014
Vous avez sans doute entendu parler de la polémique sur des propos attribués récemment à Jean-Marie Le Pen, présentés comme antisémites.
Par Stéphane Pichon
Il s'agit d'une grossière manipulation médiatique, reprise par des adversaires du FN. Jean-Marie Le Pen a bien parlé de « fournée » dans son « journal de bord » du 6 juin mais ce mot a été sorti de son contexte et détourné de son sens. Le « journal de bord » est l’interview (pour ne pas dire « le défouloir ») que Jean-Marie Le Pen donne chaque vendredi au site Internet du Front National, où il donne son avis sur des sujets d’actualité mais aussi sur ses lectures, et où il évoque son agenda politique. Dans le numéro du 6 juin, les médias évitent de vous montrer la question initiale de Marie d’Herbais, la présentatrice du journal de bord ("avez-vous un pauv'con de la semaine ? ») et la réponse complète de Jean-Marie Le Pen. Ils vous montrent seulement la fin de sa réponse, pour mieux faire leur raccourci sur la fournée.
Chaque vendredi, dans son journal de bord, Jean-Marie Le Pen désigne un "pauv' con" de la semaine (pour paraphraser Nicolas Sarkozy, qui a dit lors du Salon de l'Agriculture de 2008, alors qu’il était président de la République, « casse-toi pauv’con » à un homme qui refusait de lui serrer la main). Depuis la création du titre de « pauv’con » dans son journal de bord, Jean-Marie Le Pen a nominé certains hommes politiques (Manuel Valls par exemple), un écrivain (je me souviens de Benard-Henri Lévy), des magistrats, des artistes (Madonna a déjà eu cette récompense après avoir fait apparaître lors d’un concert une photo de Marine Le Pen avec une croix gammée sur le front), etc.
Le mot "fournée" a deux acceptions (Petit Larousse Illustré 2011) :
1) Quantité de pains, de pièces céramiques, etc. que l'on fait cuire dans un four.
2) Ensemble de personnes nommées aux mêmes fonctions, aux mêmes dignités, ou à qui l'on fait subir le même sort.
Oui, Jean-Marie Le Pen a dit « on fera une fournée la prochaine fois », mais il faut entendre ici ce mot sous sa deuxième acception. Il voulait dire : « une nomination de pauv'cons" (parce qu'il y a souvent beaucoup de candidats à ce titre envié !). Donc non, Jean-Marie Le Pen n'a pas parlé de brûler des Juifs, d’autant plus que parmi les candidats qu’il souhaite nominer au titre de « pauv’con », il y a des Juifs (Patrick Bruel) mais surtout des non Juifs comme Yannick Noah, Madonna et, si je ne me trompe pas, Guy Bedos. Cela, bien sûr, les médias ne vous le disent pas, parce que c’est facile de faire croire que Jean-Marie Le Pen a tenu une nouvelle fois des propos antisémites, compte tenu de ses déclarations passées sur les chambres à gaz et « Durafour crématoire ». Mais dans le cas présent, il ne l’a pas fait.
Malheureusement, certains dirigeants du FN, y compris sa fille Marine, semblent accréditer l’interprétation malveillante de ses propos, en parlant d’une « faute politique » : ils lui reprochent de ne pas avoir anticipé cette interprétation. Certains, comme Gilbert Collard (député du Rassemblement Bleu Marine mais non encarté au FN), ont même appelé Jean-Marie Le Pen à « prendre sa retraite ».
Peut-être certains d’entre eux n’ont-ils pas vu la vidéo en entier.
De plus, vous noterez que la vidéo du journal de bord du 6 juin a été retirée du site Internet du Front National. A priori, la suppression de cette vidéo semble accréditer l’idée suivante : Jean-Marie Le Pen a tenu des propos antisémites, cette vidéo est donc dérangeante et il fallait la supprimer. C’est l’argument employé par certains adversaires politiques et certains journalistes. En réalité, il s’agit simplement d’éviter des poursuites judiciaires et des condamnations (voir article suivant : http://www.lepoint.fr/
Quoi qu’il en soit, il est délicat pour les dirigeants du FN d’expliquer dans les médias que Jean-Marie Le Pen désigne chaque vendredi un « pauv’con » de la semaine. Dans un pays où il n’y a plus de liberté d’expression, cela ne pourrait-il pas être considéré comme une injure publique et passible de poursuites judiciaires ? Ou au mieux, cela ne pourrait-il pas paraître trop léger et indigne d’un homme politique ?
Jean-Marie Le Pen lui-même, suite au tollé provoqué par ses propos, n’est pas rentré dans le détail (si j’ose dire) pour expliquer pourquoi il a employé le mot « fournée ». Mais cet homme âgé de 86 ans se souvient-il exactement des propos qu’il a tenus ? Là encore, cette absence d’explications claires joue contre lui et contre le FN.
En tout cas, cette manipulation médiatique montre que les terroristes intellectuels sont aux aguets et prêts à décortiquer chacun de nos propos.
Une autre leçon doit être tirée de cet épisode. Les propos de Jean-Marie Le Pen ont été dénoncés publiquement par plusieurs dirigeants du FN et par sa fille elle-même, Marine Le Pen. Celle-ci a même décidé de ne plus héberger le journal de bord de son père sur le site Internet du Front National. Cette désapprobation et cette sanction s’inscrivent dans la stratégie de dédiabolisation que la fille du fondateur du FN conduit depuis de nombreuses années. En même temps, elle permet de mettre fin à la tribune d’une « grande gueule » devenue encombrante pour certains.
Espérons que de nombreux Français seront sensibles à cette désapprobation et que le FN aura su faire d’un mal un bien…
Stéphane Pichon