Révélations dans l'affaire Boulin : ce que contenaient les archives de Libourne.

Publié le 25 Janvier 2013

En 1981, la plupart des Français avaient voté pour que cessent enfin les fameuses affaires du septennat de Giscard.

L'affaire des avions renifleurs, celle des Diamants de Bokassa, des ministres morts de façon violente comme Fontanet, De Broglie et Boulin. 

Certes, c'est aussi et surtout avec l'appui d'un Jacques Chirac de l'époque qui collait des petits diamants sur les affiches de Giscard lors de la campagne électorale présidentielle. C'est grâce à cette entente prise sur le dos des français de droite que Chirac permit l'élection d'un Président "socialiste" même si celui-ci n'était pas plus socialiste que le Pape. Dans tous les cas, ces affaires et cette traîtrise de Jacques Chirac (la deuxième après celle contre Jacques Chaban Delmas en 1974nous coûta 14 ans de socialisme immigrationniste et la perte de notre souveraineté. Une pensée pour les "adorateurs" chiraquiens qui ont tant aimé se faire balader par le beau parleur! 

Gérard Brazon

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L'Affaire Robert Boulin est un dossier que la justice refuse obstinément de revisiter. Et ce malgré les demandes répétées de la fille du député-maire de Libourne, ministre du Travail de Valéry Giscard d'Estaing.

Robert Boulin

Son cadavre avait été découvert, le 30 octobre 1979, dans 50 centimètres d'eau, en bordure d'un étang de la forêt de Rambouillet.

Le 29 janvier, France 3 diffusera justement le téléfilm de Pierre Aknine consacré à l'affaire Boulin, intitulé " Crime d'État". 

Bernard Fonfrède, ancien assistant parlementaire de Gérard César (alors suppléant de Robert Boulin) raconte comment les archives du ministre ont été détruites. Pour la première fois, il révèle une partie de leur contenu.

Sud Ouest : Comment avez-vous connu Robert Boulin ?
Bernard Fonfrède En 1973, il voulait s’implanter à Coutras qui était un bastion de la gauche. Je connaissais pas mal de monde. Il m’a d’abord demandé d’organiser des réunions. Ensuite je suis devenu l’assistant de son suppléant Gérard César qui est aujourd’hui sénateur de Gironde.

Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
Je crois que c’était une ou deux semaines avant sa mort. Je ne l’ai pas trouvé déprimé, loin de là. Il disait qu’il allait riposter aux attaques dont il faisait l’objet. Il n’avait rien changé à ses habitudes. Il avait un train de vie modeste à Libourne. Son équipe parisienne logeait dans des grands hôtels, mais lui, il dormait dans sa permanence, je peux vous dire que le confort était rustique ! Quand il repartait à Paris, c’était en train, avec deux sandwich et une bière.

Sa mort vous a surpris…
Oui. Je l’ai appris par la radio. J’étais sonné.

On a très vite parlé de suicide, qu’avez-vous pensé alors ?
Gérard César qui était à Paris avait vu le corps. Il disait que le visage était tuméfié. Il parlait d’une grande balafre qui lui barrait le visage. Il semblait convaincu qu’il avait été assassiné. Je dois dire qu’à Libourne, personne ne croyait au suicide. Quelques temps plus tard, je suis allé à Neuillly récupérer des photos pour un album retraçant sa vie. J’ai dit à Bertrand, que dans le Libournais personne ne croyait à la thèse du suicide. Madame Boulin a dit : « je pense qu’ils ont raison » et a quitté la pièce. Mais les enfants, qu’est-ce qu’ils m’ont mis ! Ils ne voulaient pas entendre parler d’autre chose que d’un suicide. Ils récitaient leurs arguments comme une leçon. En rentrant, j’ai dit à ma femme : soit ils ont touché de l’argent, soit on fait une sacré pression sur eux. Ils étaient comme conditionnés.

Que s’est-il passé ensuite ?
Des archives du ministère du travail sont arrivées depuis Paris par deux camions de gendarmerie. J’ignore pourquoi et sur ordre de qui. Elles ont été entreposées dans sa permanence fermée à clef. Celles de la mairie de Libourne s’y trouvaient déjà. Gérard César m’a donné ordre de trier et de tout détruire car, selon lui, c’était la volonté de la famille parce qu’il fallait vider la maison. (1)

Comment cela s’est passé ?
Des membres du SAC sont venus les chercher. Tout a été emmené par camion à la déchetterie. Il y en avait tellement que ça a pris une partie de la journée. J’avais ordre de m’assurer que personne ne regarde ce qu’il y avait dedans. J’ai passé la journée à l’usine de pâte à papier.

Personne n’a posé de question ?
C’est ce qui est incroyable. Pas un policier, pas un juge ne s’y ai jamais intéressé. Personne ne m’a posé la moindre question jusqu’en 2003. Benoît Collombat, journaliste à France Inter est venu m’interroger. Je lui ai dit que j’avais détruit les archives et que j’étais le dernier à les avoir eues entre les mains. Quelques jours plus tard, j’ai reçu la visite de deux hommes se prétendant des RG. Je pense qu’il s’agissait plutôt de barbouzes. Ils m’ont dit que si j’avais encore des archives de Boulin, je ferais mieux de les détruire rapidement. Le soir, j’ai été attaqué en sortant de chez moi. Je suis resté plusieurs jours dans le coma et un mois à l’hôpital. Les médecins sont formels, j’ai été frappé avec un objet contondant. Je n’ai pas de souvenir de cette soirée. Mais ma femme se souvient que j’étais rentré apeuré chez moi en lui parlant des archives de Boulin.

Pensez-vous qu’il y ait un rapport ?
Je ne peux rien affirmer. Mon avocat m’a déconseillé de porter plainte. Il m’a dit que s’il y avait un lien avec l’affaire Boulin, il valait mieux laisser tomber car « ils » ne me rateraient pas deux fois.

Avez-vous ouvert les archives ?
Elles sont restées trois semaines dans la permanence. A qui pourrais-je faire croire que je n’ai pas regardé ?

Acceptez-vous de dire ce que vous avez vu ?
Il y avait toute sorte de choses. Beaucoup de doubles de lettres. Il y avait des correspondances avec Henri Tournet. Tournet réclamait des faveurs à M. Boulin comme d’intervenir pour des permis de construire. Les réponses du ministre étaient négatives. Sèchement négatives.

Ils étaient en conflit ?
Boulin n’avait pas l’air d’apprécier le personnage. Le terrain de Ramatuelle, Robert Boulin ne l’a pas payé cher, ça c’est sûr. J’ai vu les documents, c’était 40 000 francs. Sans doute au dessous du marché. Mais M. Boulin ne connaissait pas Tournet personnellement. C’est sa femme et l’épouse de Tournet qui se connaissaient. Boulin n’était pas un homme d’argent, ça je peux le certifier.

Dans ces lettres, Boulin faisait-il état de sa riposte aux attaques dont il faisait l’objet ?
Je n’ai malheureusement pas souvenir de tout. Sur une des lettres, il avait écrit « le Grand veut ma peau », j’en garde un souvenir très précis. Selon moi, cela pouvait vouloir dire qu’on voulait le tuer politiquement. Il est clair qu’il n’était pas en grâce auprès d’une partie du RPR. Quant aux courriers où il parlait de sa riposte. Il évoquait auprès de ses correspondants le financement de la droite et de la gauche par Elf Gabon. Aujourd’hui, c’est un secret de polichinelle dans le financement des partis. Mais à l’époque, c’était la loi du silence sur ces fonds occultes. Selon moi, certaines de ces lettres étaient peut-être écrites à ses amis franc-maçons car elles étaient signées « fraternellement ».

Quelle est votre conviction sur la mort de Boulin ?
Je n’ai pas de certitude. Mais avec tout ce qui s’est passé, si on avait voulu déguiser un suicide en assassinat, on ne s’y serait pas mieux pris ! Par contre si on a voulu déguiser un crime en suicide, c’est du travail d’amateur vu le nombre d’incohérences qui sont apparues tout au long de l’affaire.

Avez-vous peur aujourd’hui ?
Rendre les choses publiques, c’est aussi me protéger. Et s’il m’arrivait quelque chose, ce ne serait pas difficile de faire le lien avec ce que je viens de vous dire. Et je précise, s’il en était besoin que je ne suis pas suicidaire ! Nous n’en serions pas là si la justice avait fait son travail. Je me serais exprimé sereinement devant un magistrat, ou un enquêteur ce qui aurait été plus sain. Peut-être aurait-on conclu qu’il s’agissait d’un suicide. Malheureusement je n’ai gardé aucun document. Parfois, je me dis que si je l’avais fait, je serais riche aujourd’hui. Ou mort…

(1) Joint par téléphone, Gérard César confirme cette version. Mais il assure : « Je n’ai pas le souvenir qu’il y ait eu dans ces archives des éléments importants, sinon nous les aurions donnés à la justice ». De son côté, Fabienne Boulin, la fille du ministre conteste formellement que la famille ait donné l’ordre à quiconque de détruire ces archives.

> Cette interview a été publiée au sein du Hors-série édité par "Sud Ouest" : "Crimes et mystères de la région", encore disponible à la vente, et notamment via la boutique en ligne "Sud Ouest"

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Politique Française

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