Printemps arabes? Moshé Yaalon au CAPE devant la presse française et francophone d’Israël - Par Richard Darmon
Publié le 28 Juin 2011
Le ministre des Affaires stratégiques et Premier ministre suppléant, Moshé (Bouguy) Yaalon, ancien chef d’état-major de Tsahal, fut le 20 juin dernier l’invité du premier forum destiné à la presse française et francophone en Israël. Une conférence organisée par le CAPE-JCPA - à son siège de Jérusalem - en présence d’une trentaine de journalistes de nombreux médias venus entendre et questionner le ministre sur la stratégie de l’Etat hébreu face aux bouleversements en cours dans les pays arabes, notamment en perspective de septembre prochain et d’une proclamation unilatérale d’un Etat palestinien reconnu par l’ONU.
Voici un résumé des principaux points abordés par Moshé Yaalon.
Les révoltes dans le monde arabe
- Les aspects politiques, sociétaires, religieux et économiques des soulèvements intervenus depuis six mois au Maghreb et au Proche-Orient sont évidemment suivis de très près en Israël, où le gouvernement fait un double constat : d’une part, ces explosions attestent d’une volonté populaire et des aspirations réelles des peuples concernés à plus de liberté et au respect des droits de l’homme pour en finir avec ces régimes dictatoriaux et despotiques ; d’autre part, le caractère assez flou de ces soulèvements et de leurs revendications, tout comme l’absence de traditions et d’élites démocratiques dans les pays concernés risquent de générer une situation d’instabilité et de confusion qui pourrait durer longtemps…
- Ce processus de déstabilisation pourrait être récupéré par les forces islamistes (les Frères musulmans en Egypte, Syrie et Jordanie) et du Djihad global (Al-Qaïda à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Lybie, en Tunisie et au Yémen), en même temps que par l’Iran des mollahs chiites partout impliqué dans les conflits régionaux : en Afghanistan, au Pakistan, au Liban, en Syrie, à Gaza, au Bahreïn, au sud de l’Arabie Saoudite et dans la région du Golfe persique.
Une autre « grille de lecture » des enjeux du conflit israélo-palestinien
1/ Le fait souvent ignoré qu’avant l’irruption des révoltes dans le monde arabe, le Proche-Orient n’a jamais été une région stable, car il existe non pas un seul conflit, mais bien des conflits proche-orientaux : l’opposition Chiites-Sunnites ; la volonté hégémonique de l’Iran notamment face à l’Arabie Saoudite ; l’aspiration des minorités kurdes du Liban, de Syrie, d’Irak, de Turquie et d’Iran à créer leur propre Etat ; l’oppression accrue des minorités chrétiennes dans les pays arabes ; l’entrée en jeu de la Turquie qui veut aussi devenir une puissance régionale - des développements sans nul rapport avec Israël et le conflit avec les Palestiniens !
2/ L’illusion selon laquelle le conflit israélo-palestinien ne serait qu’un conflit territorial susceptible d’être finalement un jour résolu par un simple « compromis territorial »… Alors qu’il s’agit d’un conflit identitaire opposant deux cultures historico-politiques différentes. Pour preuve le fait que toutes les factions palestiniennes s’entêtent à nier à Israël tout droit d’exister en tant qu’Etat-nation du peuple juif dans cette région ! Et ce, parce qu’elles estiment que les Juifs ne constituent au mieux qu’une religion, mais ni un peuple ni une nation ayant de quelconques droits sur cette terre !
Comment sortir de l’impasse avec les Palestiniens ?
Israël est prêt à reprendre immédiatement des négociations avec l’AP – mais pas avec le Hamas qui nie à Israël tout droit à l’existence, même dans ses frontières de 1949. Les Israéliens auront trois questions à poser à leurs interlocuteurs palestiniens :
1/ L’AP est-elle prête à reconnaître Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif ?
2/ Le futur accord marquera-t-il la fin définitive du conflit : pas seulement sur les revendications actuelles « tactiques » de l’AP, mais aussi sur l’ensemble de ses prétentions « historiques », comme leurs pseudos-droits sur toutes les terres et villes israéliennes à l’ouest de la ligne verte ?!
3/ L’AP est-elle prête à tenir compte des impératifs sécuritaires d’Israël - d’autant plus incontournables dans le Proche-Orient incertain actuel – comme une démilitarisation de l’Etat palestinien et le maintien d’une présence militaire israélienne dans la Vallée du Jourdain !?
- En septembre à l’ONU, il est peu probable que les Palestiniens demandent au Conseil de Sécurité (CDS) de reconnaître la proclamation unilatérale d’indépendance de leur Etat parce qu’ils s’y heurteront à un véto américain. S’ils s’adressent à l’Assemblée générale, ce ne sera qu’une réédition d’un fait intervenu en novembre 1988 à Alger à l’initiative d’Arafat quand l’ONU a déjà « reconnu » l’Etat palestinien autoproclamé : une décision à caractère délibératif sans suite concrète…
Le rôle grandissant de l’Iran dans les conflits régionaux
Depuis trente ans, la République islamiste d’Iran soutient les mouvements islamistes chiites et sunnites de la région luttant contre ce que Téhéran appelle le « petit Satan » (Israël) et le « grand Satan » (les USA). Or nul conflit territorial n’oppose l’Etat hébreu à l’Iran, ce qui n’empêche pas les dirigeants iraniens de répéter vouloir « rayer Israël de la carte du Proche-Orient » !
- Parce que l’Iran chiite souhaite devenir une puissance hégémonique régionale puis mondiale, ses dirigeants agissent à deux niveaux :
*1/ Ils tirent les ficelles - en les finançant et en les entraînant - d’entités et de groupes terroristes comme le Hezbollah (maître politico-militaire du Liban), le Hamas de Gaza, les réseaux Al-Qaïda, et aussi les kamikazes du Djihad global.
* 2/ Pour appuyer leur stratégie hégémonique, ils se sont dotés d’un large arsenal d’armes chimiques et biologiques, ainsi que d’une lourde panoplie de missiles balistiques capables d’atteindre toute la région… Et ce, en poursuivant leur course à la maîtrise de l’arme suprême : la bombe nucléaire, qui est devenue à la fois le but et le moyen ultime du régime de Téhéran.
- Face à ce danger menaçant la planète toute entière, Israël développe une politique fondée sur quatre axes : l’élargissement de l’isolement international du régime iranien ; l’aggravation des sanctions économiques ; le soutien aux mouvements de l’opposition iranienne ; la préparation d’une option militaire crédible et réalisable d’Israël et des pays occidentaux contre les installations nucléaires iraniennes.