Philippe Tesson, jusqu'où ira le bluff de François Hollande ?
Publié le 23 Avril 2013
Le feuilleton du "mariage pour tous" n'est pas clos. Le succès de la manifestation parisienne d'hier et l'ordre dans lequel elle s'est déroulée sont de nature à encourager les adversaires du projet gouvernemental. Celle du 26 mai devrait donc revêtir une ampleur conforme à leurs espérances. Mais d'ici là, c'est-à-dire demain, ce projet aura été voté. Il aura donc force de loi. L'opposition qu'il aura rencontrée n'aura donc plus qu'une valeur symbolique.
Il est en effet douteux que François Hollande cède à la pression de la rue, et tout aussi douteux que le Conseil constitutionnel n'avalise pas ce texte. Jean-Louis Debré lui-même le laisse déjà entendre. Cela ne signifie pas que cette opposition aura été inutile. Elle amènera le président de la République à se montrer prudent dans ses propositions à venir concernant l'adoption, la PMA, la GPA et la politique familiale en général. Mais le fait est là : le "mariage pour tous" sera entré dans les moeurs.
En donnant sur ce terrain un gage à ses adversaires, François Hollande aurait commis et commettrait une erreur politique évidente. Il offrirait une preuve supplémentaire de sa pusillanimité et s'aliénerait encore un peu plus une partie de son électorat, au moment même où pour d'autres raisons le nombre de ses partisans décroît. Ce reniement nouveau aurait un effet d'image désastreux.
Le président de la République est coutumier de ce procédé de diversion
Au risque d'avoir divisé le pays et d'avoir amené l'opposition à sa politique à se radicaliser, François Hollande aura tiré à court terme un certain profit de cette affaire lamentable. Lamentable en ce qu'elle a mobilisé l'opinion pendant des semaines et détourné son attention des problèmes majeurs que pose au pays sa situation économique, financière et sociale. Le président de la République est coutumier de ce procédé de diversion. Son seul talent est de savoir dissimuler son insuffisance et sa faiblesse en retournant à son avantage les situations les plus délicates qu'il rencontre. On l'a vu dans l'affaire Cahuzac, il nomme au Budget un homme sulfureux. Le scandale éclate, qui éclabousse l'image morale du socialisme. Que fait Hollande ? Une surenchère morale en imposant une humiliation ridicule et inefficace aux élus de la nation.
Jusqu'où, jusques à quand ce bluff, qui apparaît comme son seul rempart contre son déclin de popularité. Sa majorité se disloque. Elle était numériquement considérable, et le voici contraint de recourir à l'article 44-3 pour faire adopter par le Sénat le projet de loi sur l'emploi. Ses alliés communistes le désavouent. Le président de l'Assemblée nationale le conteste. Ses ministres se déchirent. Ses mesures en faveur de l'emploi peinent à donner des résultats. La réalité est là, dramatique. Que fait-il pour l'affronter ? Il lui oppose des fictions, des postures, des défausses, des leurres. Il ressort de l'armoire socialiste les accessoires traditionnels : la morale, l'égalité, la menace fasciste et tout le tremblement. Pendant ce temps-là, la France s'affaisse et l'opposition, pour autant qu'elle soit visible, entre dans ce jeu-là et la laisse s'affaisser.