Pakistan : les minorités fuient les conversions forcées à l'islam. Récit d'une jeune Hindoue pakistanaise.

Publié le 8 Septembre 2012

Proposé par Nancy Verdier

De plus en plus d’hindous fuient le Pakistan

Début août, 200 hindous pakistanais ont passé la frontière indienne pour se rendre à un festival religieux en espérant ne jamais rentrer chez eux. Interceptés par les autorités d’Islamabad, ils ont été forcés de signer des documents qui les engageaient à retourner au Pakistan. Quelques jours plus tard, 300 hindous ont tenté la même traversée. Soixante ans après la création du Pakistan, le “pays des purs”, une nation qui devait permettre l’autodétermination des musulmans de l’empire des Indes au sein d’une nation non théocratique, l’intolérance religieuse persiste.

Plusieurs cas de conversions forcées ont fait les titres des journaux au printemps 2012, en particulier dans la province méridionale du Sind, où vit la  majorité des 4,2 millions d’hindous que compte le Pakistan – sur un total de 180 millions d’habitants.“Selon les ONG, on recense environ 25 cas de conversions forcées par mois”, précise le quotidien The Express Tribune. Dans un texte publié par l’hebdomadaire indien Tehelka, la sociologue pakistanaise Ayesha Siddiqa explique : “Dans la province du Sind, les groupes islamistes armés sont devenus de plus en plus influents, s’alliant à des partis religieux radicaux et même au parti au pouvoir, pourtant non religieux. De plus, on observe l’émergence d’une nouvelle classe moyenne autoritaire qui ne respecte plus la tradition de protection des leaders issus de minorités religieuses.”

Musulmane malgré moi

Des centaines d’hindous pakistanais tentent de gagner l’Inde pour échapper aux persécutions religieuses. La journaliste Faiza Mirza raconte comment, adolescente, elle fut kidnappée et convertie de force à l’islam.

J’ai grandi dans la peur. Je suis d’ailleurs à peu près certaine que la première expression sur le visage de mes parents lorsqu’ils m’ont vue naître – moi, petite fille née de parents hindous vivant à Kandhkot [province du Sind, dans le sud du Pakistan] – était empreinte d’effroi. Pourquoi étais-je une telle source d’angoisse ? Avant même d’avoir élucidé l’énigme, je me suis retrouvée sur les bancs de l’école. J’aimais y aller, même si j’avais le sentiment d’être une étrangère qui n’arrivait pas à s’intégrer. Les remarques sournoises et les discriminations dont j’étais victime devaient me pousser à penser que je n’étais pas comme les autres enfants. Personne ne voulait manger avec moi et encore moins boire dans la tasse que j’avais utilisée. A la maison, ma mère me posait un tas de questions sur ma vie à l’école et attendait des réponses qu’elle espérait de nature à la délivrer de cette angoisse dont j’ignorais tout. Craignant de la décevoir, je me rendis compte très tôt qu’elle ne pourrait jamais être ma confidente.Et puis c’est arrivé. Les craintes de ma mère se sont confirmées. Alors que j’étais sur l’un des plus grands marchés de Kandhkot, je me suis fait enlever par un homme que je connaissais très bien. Il n’était rien de moins que le gardien chargé de la surveillance de nos temples. Comme il était loin d’être un inconnu, je suis montée dans sa voiture. Mais, au lieu de me ramener chez moi, il a tourné dans une ruelle que je ne connaissais pas. Effrayée, j’ai commencé à crier, mais mon ravisseur s’est mis à crier encore plus fort et à me menacer. Je n’ai plus bougé jusqu’à notre arrivée dans une petite maison abandonnée.

Mes pensées se sont alors bousculées dans ma tête et les récentes histoires d’enlèvements et de conversions forcées des jeunes filles hindoues me sont revenues à l’esprit. Assise là, frissonnant de tout mon corps, je compris enfin. Mes peurs se sont confirmées lorsqu’un homme coiffé d’un turban est entré dans la pièce pour m’enseigner une religion dont j’avais toujours entendu parler sans jamais éprouver le besoin de la pratiquer ou de l’adopter. Voyant que je ne l’écoutais pas, il finit par partir en me priant de réfléchir à la meilleure des religions.Je me suis alors demandé pourquoi mes parents n’avaient pas profité de la première occasion pour fuir dans un autre pays. Pourquoi continuaient-ils à vivre dans l’angoisse à attendre l’inévitable alors qu’ils pouvaient habiter dans un environnement plus serein ? Le rituel de prédication a duré des jours et des jours, et j’ai fini par perdre la notion du temps. Comme je restais insensible aux prêches, mon ravisseur m’a menacée. Chaque jour, les menaces succédaient à l’endoctrinement, la colère de ce Dieu qui s’abattrait sur les non-croyants alternait avec la présentation des merveilles du paradis. Je ne cessais de me demander : ne prions-nous pas tous le même Dieu, un Dieu qui se manifeste dans la nature, les couleurs, la joie et l’amour ? Pourquoi ce Dieu me punirait-il d’être hindoue ?

“J’incarne le supplice de ces filles qui meurent à petit feu”

Puis arriva ce moment où mon ravisseur menaça de s’en prendre à ma famille. Je finis alors par céder. On organisa une petite cérémonie au cours de laquelle je fus forcée d’adopter l’islam et mariée à un musulman. Après la cérémonie, on m’escorta jusqu’à un tribunal où un juge musulman enregistra ma conversion et mon mariage devant la loi.La nouvelle s’en répandit comme une traînée de poudre. Je redoutai le moment où j’allai retrouver mes parents. Lorsque ma mère a levé les yeux sur moi, j’aurais voulu être morte. Je voulais lui dire que je l’aimais et que je m’étais convertie pour sa sécurité. Je voulais dire à mon père de protéger mes sœurs. Je voulais dire à mon frère de quitter le pays. Je voulais dire beaucoup plus de choses mais, à les voir souffrir en silence, j’ai pensé simplement : si seulement je n’étais pas une fille, si seulement je n’étais pas née au Pakistan, si seulement j’avais le droit d’être moi-même et de pratiquer ma foi sans être poussée vers une religion que je ne comprends pas. Mon histoire est unique, mais c’est aussi celle de bien d’autres : Rachna Kumari, Rinkle Kumari, Manisha Kumari [respectivement âgées de 16, 17 et 14 ans, victimes de conversions forcées en 2012] et toutes ces jeunes filles hindoues contraintes de se convertir à l’islam au Pakistan. J’incarne les angoisses de leurs familles et leur calvaire quotidien. J’incarne le supplice de ces filles qui meurent à petit feu, victimes de l’injustice. J’incarne la douleur d’une minorité forcée de vivre dans une société intolérante.

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Le Nazislamisme

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