Marine Le Pen : "Dix millions de fausses cartes Vitale circulent !"
Publié le 18 Juillet 2011

France-Soir. Sur les questions d’immigration, n’êtes-vous pas frappée par le rapprochement qui s’esquisse entre le FN et une partie de l’UMP ?
Marine Le Pen. « Frappée » ? Je suis surtout frappée par l’explosion de l’immigration. M. Guéant a admis qu’il avait accordé 203.000 titres de séjour en 2010. Sous Lionel Jospin, on était à 148.000 par an. L’UMP me fait penser à ces cancres qui, à l’école, ne font strictement rien de leurs deux premiers trimestres et qui, le dernier mois du dernier trimestre, se mettent subitement à travailler. Le problème c’est que cela ne fonctionne pas ! Les responsables UMP sont insincères, et ne réagissent aujourd’hui que pour des raisons purement électoralistes. Enfin, ce n’est pas Mme Royal qui est au pouvoir depuis quatre ans et demi : c’est Nicolas Sarkozy. Les gesticulations de Claude Guéant ne suffiront pas pour convaincre les Français que ce gouvernement est capable de répondre aux questions que pose l’immigration. Pas plus que celles des députés de la Droite populaire (l’aile droite de l’UMP, NDLR) : ils ne sont là que pour canaliser la colère des électeurs trahis. Je vais vous dire : si Nicolas Sarkozy leur a menti, c’est parce que, d’accord avec ses amis du CAC 40, il se sert de l’immigration pour peser à la baisse sur les salaires français.
F.-S. La France peut-elle se permettre, comme le suggère le FN, de stopper demain toute forme d’immigration légale ?
M. L. P. Bien sûr !… Je propose la mise en place d’un moratoire total sur l’immigration légale. Elle doit diminuer et être limitée, au bout de cinq ans, à 10.000 entrées annuelles. Alors que nos finances publiques sont en déliquescence et que nous avons 5 millions de chômeurs, on ne peut plus se permettre de faire entrer chaque année sur notre territoire une population équivalente à celle de la ville de Rennes. Pour les enfants d’immigrés, l’école et les soins sont gratuits. Or ce n’est pas gratuit pour les contribuables français. Ces gens-là vivent grâce à la solidarité de la communauté nationale. Savez-vous qu’un tiers de l’aide aux personnes âgées est délivrée à des immigrés en situation légale, qui, pour certains, n’ont jamais cotisé en France ? Celui qui est venu chercher du travail en France et qui, après un certain nombre de mois, n’en a pas trouvé, on doit pouvoir lui dire : « Monsieur, vous n’avez pas trouvé d’emploi dans notre pays, il faut que vous rentriez chez vous. »
F.-S. Devant l’ampleur du déficit et le montant des dettes, les Français sont formidablement inquiets. Ils craignent que leur pays subisse un jour le sort des Grecs. Mais ils ne semblent pas prêts pour autant à revenir au franc…
M. L. P. Les Français ont conscience que nous sommes dans une seringue, et que nous n’en sortirons pas par le piston. Nous assistons à un processus de crise globale, avec un effet domino qui, un jour, touchera la France, à la suite de la Grèce et du Portugal. Il n’y a pas d’autre issue que celle de retrouver nos monnaies nationales. L’euro va finir par s’effondrer, et, comme dit le souverainiste Paul-Marie Coûteaux, « l’euro, c’est comme le restaurant. C’est le dernier qui sort qui paie l’addition ». Avec nos impôts, nous sommes en train de payer la dette des autres pays tandis que nous creusons la nôtre. La cure d’austérité que vit la Grèce, nous la vivrons après 2012. L’épée de Damoclès va finir par tomber.
F.-S. Souhaitez-vous, comme la gauche, revenir sur la réforme sarkozyste des retraites ?
M. L. P. Le gouvernement a choisi de sacrifier le système de protection sociale et, par conséquent, les travailleurs. Il faut faire des économies, bien sûr. Mais il y a d’autres choix à faire. L’insécurité, par exemple, coûte à la France 115 milliards d’euros par an. Sur l’immigration, sur la décentralisation, sur nos contributions à l’Union européenne, on peut réaliser des économies. On devrait donc pouvoir revenir à un système qui permette de garantir une retraite à taux plein après 40 annuités de cotisations. Sur 60 millions de cartes Vitale, il y en a 10 millions de fausses qui circulent. Entre les mains de qui ? Evidemment, si demain on désactive ces fausses cartes, cela entraînera une explosion dans un certain nombre de nos quartiers et de nos banlieues. Le contrôle des prestations sociales doit être beaucoup plus rigoureux. Le problème, c’est qu’il y a un certain nombre d’endroits où les contrôleurs ne peuvent même plus entrer.
F.-S. Jean-Luc Mélenchon propose de limiter les écarts de salaire, au sein d’une même entreprise, dans un rapport de 1 à 20. Etes-vous favorable à un tel système ?
M. L. P. On va découvrir que M. Mélenchon est l’ami des grandes entreprises !… Avec son système, l’argent qui n’irait pas dans les salaires irait directement dans la poche des actionnaires. C’est une fausse bonne idée, version soviétique. Pour autant, je trouve scandaleux et immoral le comportement de certains grands patrons qui ne prennent aucun risque, ont de mauvais résultats et continuent à percevoir des sommes folles. Je suis pour la suppression des stock-options, des parachutes dorés et des retraites chapeaux. Je suis aussi pour le remboursement des aides publiques accordées à des entreprises qui décident ensuite de délocaliser leur production.
F.-S. Anne Sinclair a envoyé un SMS à un de ses amis en disant qu’il ne faudrait pas « oublier » ceux qui leur avaient « craché à la gueule »…
M. L. P. C’est « Règlement de comptes à OK Solferino » ! Je l’ai dit dès le début : il était connu que cet homme a des rapports pathologiques avec les femmes, avec des comportements de harceleur. Ce que je reproche aux journalistes et aux politiques, c’est de ne pas avoir dit que, compte tenu de la personnalité de cet homme-là, il ne pouvait pas aspirer aux fonctions auxquelles il prétendait. Avant d’être embauché, un policier subit une enquête de moralité. Pour Dominique Strauss-Kahn, avant l’histoire du Sofitel, on est passé outre pour des raisons de cynisme politique.
F.-S. Que répondez-vous à ceux qui pensent que le nouveau FN n’a subi qu’un ravalement de façade et que, au fond, vous portez le même projet que celui de votre père ?
M. L. P. Les grandes orientations qui ont toujours été celles de mon mouvement, bien entendu je les porte : la défense des Français, la défense de notre civilisation, le retour de la souveraineté. Je crois avoir une qualité : celle d’appeler un chat un chat. Quand je m’interroge sur ce qu’il serait advenu, lors de notre intervention militaire en Libye, si la France comptait autant de Franco-Libyens qu’elle compte de Franco-Algériens, je pose une vraie question. Je suis une responsable politique, je ne suis pas là pour gagner la Star Academy ou le concours de Miss Monde. Moi, ça ne me dérange pas de déranger. Même si j’estime ne pas avoir de radicalité particulière.
F.-S. Vous qui souhaitez accéder au pouvoir, avec qui seriez-vous prête à gouverner ?
M. L. P. Cela fait bien longtemps que je ne crois plus à la fracture gauche-droite. Aujourd’hui, la vraie division s’opère entre les mondialistes et les patriotes. Quelqu’un comme Jean-Pierre Chevènement a une analyse assez similaire à la nôtre sur un certain nombre de points, alors que c’est un homme de gauche. Tout comme l’historien et sociologue Emmanuel Todd.
F.-S. Avec votre nouveau QG parisien et la mise en place du comité « Marine Le Pen 2012 », n’êtes-vous pas en train de vous éloigner de votre parti ?
M. L. P. Pas du tout. Je ne fais que respecter les institutions de la Ve République, et la vision de son fondateur, le général de Gaulle. L’élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme – ou une femme – et le peuple. Le candidat ne doit pas être celui d’un parti, mais celui du rassemblement le plus large possible. Tout cela ne m’empêchera pas de proposer un certain nombre de révisions constitutionnelles : l’instauration de la proportionnelle, l’inscription noir sur blanc de la non-reconnaissance par la République des communautés et, enfin, la réinscription dans la Constitution de la préférence nationale.
F.-S. Politiquement, comment allez-vous ?
M. L. P. Dans les sondages, après avoir beaucoup progressé, je me stabilise à un niveau extrêmement haut. Un niveau équivalent à celui du président de la République. Donc, tout va bien.