Lettre aux justiciables en puissance par - Dominique LE FLOC'H
Publié le 16 Février 2011
Chers " justiciables " en puissance,
Vraiment, la réaction de certains magistrats aux propos présidentiels suite à l'affaire " Laetitia / Tony Meilhon, me déçoit....pour ne pas dire plus ! N'auraient-ils pas tendance à jouer les persécutés.... oubliant , qu'en son temps, les militaires, les ambassadeurs, les préfets ....en ont, eux aussi, pris pour leur grade ?
Que le jugement du Président SARKOZY soit marqué par son passé d'avocat, je veux bien l'admettre !
Oui, mais sans oublier que la Justice , dans son mode de fonctionnement comme dans l'attitude de certains de ses membres a, semble-t-il, quelque progrès à faire .... Oui, d'une façon générale, un juge n'accepte pas aisément la critique...., même indirecte ( 1 ).
Certes, l'acte de juger est éminemment délicat et difficile. S'agissant d'un pouvoir capital que celui de juger son semblable, ne doit-il pas être assorti d'un maximum de garanties pour le justiciable ? Car le juge est un être humain qui, comme tel, peut se tromper.
Le sujet peut-il rester " tabou" ? Serait-il impossible , voire interdit, d'évaluer le travail du juge ? Cette simple idée parait impossible à cette très honorable corporation qui a tendance à se considérer comme personnellement attaquée par toute remise en cause de la " chose jugée "!
Cela ne ressemble-t-il pas à du corporatisme mal placé ? Car, qui, dans une démocratie, peut être à l'abri de toute responsabilité ? Dans une démocratie, comment le juge pourrait-il être le seul à ne pas répondre de ses actes? Comme s'il appartenait à une " caste " qui juge en se plaçant au-dessus de tout jugement !
En fait, dans leur action de juger, les magistrats semblent répugner à accepter d'autre jugement que celui de leurs pairs : et encore ? On a pu le vérifier en constatant les réactions provoquées par l'installation de la " Commission " parlementaire sur l'affaire d'OUTREAU.
A cette occasion, le Conseil Supérieur de la Magistrature n'a-t-il pas fulminé un avis hostile à cette Commission ? De ce point de vue, les victimes de cette lamentable procédure ne semblent, hélas, n'avoir servi à rien ! Après OUTREAU, certes, la " splendeur " des magistrats en a " pris un coup ", mais qu'importe ! Sur la cinquantaine ( au bas mot ) de magistrats ayant eu à " en connaître", seul le juge BURGAUD a " payé ": et encore, si peu !
Ainsi, à ma connaissance, l'Etat n'a jamais exercé la moindre " action récursoire " contre l'un de ses magistrats sans ainsi jamais rembourser les contribuables qui, en quelque sorte, ont payé pour eux ! De ce point de vue, puis-je poser cette simple question ?
N'est-il pas finalement malsain que les "professionnels " de la mise en cause des responsabilités d'autrui soient eux-mêmes quasiment irresponsables ? Sur le plan des principes, tel est, actuellement du moins, mon point de vue car, ne l'oublions pas , la justice est rendue " au nom du peuple français " , c'est-à-dire au nom de chacun d'entre nous.
Ceci dit, il faut sans doute reconnaître que la Magistrature ne dispose pas toujours de tous les moyens souhaitables pour exercer sa mission. Reste, bien sûr, à savoir si ces moyens sont répartis avec la plus grande pertinence et la plus sûre équité. Reste qu'il s'agit d'un des rares budgets à avoir progressé au cours de ces dernières années : ainsi progresse-t-il de 4,15 % d'une année sur l'autre ( 2011 / 2010 ).
Cependant, notons aussi qu'elle a souvent bien du mal à accepter des " renforts " qui ne paraissent pas toujours lui offrir un maximum de garanties ( ex; " juges de proximité", candidats bénévoles à des fonctions périjudiciaires....) Et ce, bien que les postulants à ces activités en " appui " ou en " renfort " soient , dans la plupart des cas, indépendants des pouvoirs et dénués de toute convoitise à l'égard de telle " distinction " ou de telle " décoration " !
Par ailleurs, comment ne pas admettre que :
- le nombre de dossiers ;
- la complexité des procédures ;
- l'accumulation des nouvelles réformes ;
- la refonte de la " carte judiciaire ", peuvent donner du poids à une certaine forme de désarroi ? Mais alors, dans un tel contexte, comment se fait-il que les hauts responsables de cette Institution ne soient pas en mesure de mieux défendre une juste adéquation des moyens aux besoins ? Dans le contexte actuel, l'" image " de la Magistrature dans le public risque d'être un peu plus " écornée " ; dans la mesure où j'appartiens à une famille qui, en son temps, a beaucoup donné du côté de la " robe ", cela me désole . Et pourtant, j'ai tenté " d'instruire à charge comme à décharge " !
Bien à vous tous, " justiciables " en puissance de l'être .
Dominique LE FLOC'H
ex-assesseur au " Tribunal Permanent des Forces Armées de METZ " .
( 1 ) Croyez-en ma vieille expérience : ainsi, un magistrat s'offusque facilement ( ou fait
mine de ) si l'ayant " saisi " par écrit et , n'ayant pas obtenu de réponse dans un
" délai raisonnable " , on s'avise de le " relancer " poliment.
Mais, pour qui donc se prennent-ils ?