La mise en scène de Bruxelles : dernier acte d'une comédie européenne?

Publié le 5 Juillet 2012

Concrètement, l’accord de la nuit du 28 au 29 juin permettra de tenir jusqu’à la fin octobre, voire au début du mois de novembre, mais pas au-delà, et ceci à supposer que nul autre pays de la zone euro ne demande brutalement de l’aide. Nous arrivons ici à l’extrême fin des moyens disponibles. Les hommes politiques et les financiers ont pu sabler le champagne vendredi. Les lendemains de fête seront très amers pour les peuples d’Europe.

 

Par Jacques Sapir

Le sommet qui a eu lieu à Bruxelles dans la nuit du 28 au 29 juin est passé pour le grand public pour un remarquable succès du Président Français, M. François Hollande, face à la Chancelière Allemande, Mme Merkel. Le Président français peut se targuer d’avoir imposé son «Pacte de Croissance» et d’avoir, avec les premiers ministres espagnol et italien, Messieurs Rajoy et Monti, amené l’Allemagne à accepter des concessions importantes pour faciliter la situation financière de l’Espagne et de l’Italie.

Il est indéniable que le succès a été bien mis en scène. Les marchés financiers ont réagi très positivement dans la journée du vendredi 29 juin, et l’euro, qui était jusque-là plutôt à la baisse, s’est redressé de 2%. Dans la foulée, François Hollande a donc annoncé que la France ratifierait le « Pacte de Stabilité » voulu par l’Allemagne.

Si l’on y regarde de plus près cependant, la situation apparaît comme nettement moins réjouissante.

En ce qui concerne le fameux « Pacte de Croissance » tout d’abord, son montant est parfaitement dérisoire. Avec 120 milliards d’euros à dépenser sur 3 ans, qui peut penser que cela pèsera sur l’économie de la zone euro, dont la richesse totale (le PIB) est d’environ 12 000 milliards ? De plus, sur ces 120 milliards, 55 étaient prévus de longue date en tant que fonds structurels et 35 milliards avaient été prévus en décembre dernier quand on avait annoncé l’accroissement des moyens de la Banque Européenne d’investissements. En fait, il n’y a guère que 30 milliards d’argent frais sur ces 120 milliards, qui seront de toute manière bien insuffisants face à la situation économique de la zone euro.

Car cette situation économique est grave. Oublions la Grèce et le Portugal qui sont en dépression pour l’instant, même s’il convient de garder en mémoire que cette dépression a des aspects tragiques dans les deux pays. L’Espagne, quant à elle, était en récession depuis la fin de l’année dernière. Depuis deux mois, tous les signes d’une aggravation de cette récession apparaissent. Le PIB de l’Espagne va reculer sans doute de 1% sur l’année, voire plus. L’Italie est, elle aussi, en train d’entrer en récession. Après avoir connu une croissance très faible les précédentes années, sous l’impact des mesures d’austérité décrétée par Mario Monti, elle s’apprête à connaître à son tour un recul du PIB. La France enfin, qui tablait contre vents et marées sur une croissance de 1,5% pour 2012, ne connaîtra à la fin de la fin que 0,4% de croissance au mieux. L’économie française est en stagnation, le pouvoir d’achat recule, et les perspectives pour 2013 sont constamment révisées à la baisse.

Dans ces conditions, parler d’un « Pacte de Croissance » pour sommes dérisoires qui ont été décidées à Bruxelles est au mieux de l’inconscience et au pire de la mauvaise foi.

Pourtant, il est clair que seule la croissance peut sortir la zone euro de la crise d’endettement. Ce qui a été décidé à Bruxelles est une bouffée d’oxygène pour des pays aux abois. On sait que l’Espagne devra trouver 280 milliards d’Euros d’ici à décembre 2012. L’Italie, quant à elle, aura besoin de 600 à 750 milliards si les achats de sa dette par ses propres banques ne reprennent pas. Or, les pays de la zone euro ont décidé que l’Espagne comme l’Italie pourraient directement emprunter auprès du Mécanisme Européen de Stabilité (le MES), dont le montant est de 500 milliards d’euros.

Un élève du primaire peut faire l’addition : d’un côté 280 milliards plus 600 milliards, soit un total de 880 milliards, et de l’autre simplement 500 milliards. Même si l’on décide, ce qui se fera vraisemblablement, d’ajouter au MES le reliquat des sommes détenues par le Fonds Européen de Stabilité Financière (le FESF), soit environ 150 milliards d’euros, on n‘atteint que 650 milliards, soit loin du compte.

Concrètement, l’accord de la nuit du 28 au 29 juin permettra de tenir jusqu’à la fin octobre, voire au début du mois de novembre, mais pas au-delà, et ceci à supposer que nul autre pays de la zone euro ne demande brutalement de l’aide. Nous arrivons ici à l’extrême fin des moyens disponibles.

De plus, ces besoins financiers ont été calculés sans tenir compte de la baisse relative ou absolue des recettes fiscales qu’engendre la récession. Il est prévisible que les besoins de financement des différents pays se révèleront plus élevés que ce qui est aujourd’hui calculé. Les opérateurs sur les marchés financiers sont d’ores et déjà parfaitement capables de s’en rendre compte. Après l’euphorie issue du succès du sommet européen viendra le temps du doute, puis celui du pessimisme devant l’inadéquation des montants disponibles face aux besoins. La spéculation sur les taux d’intérêt reprendra dès cet été et nous serons à nouveau confrontés à une nouvelle crise à l’automne 2012.

À ce moment-là, on constatera que l’on a cédé sur le fond à l’Allemagne, en acceptant de ratifier le « Pacte de Stabilité » sans que cette dernière ne s’engage réellement à financer les déficits que la politique allemande a contribué à créer.

Dès lors, nous n’aurons plus le choix qu’entre violer ce « Pacte » dont l’encre ne sera pas encore sèche où nous enfoncer toujours plus dansvune logique de dépression, suivant ainsi le chemin de toutes les politiques déflationnistes à commencer par l’exemple tragique de la déflation allemande du 1930 à 1932.

Depuis maintenant 18 mois, nous repassons toujours par le même chemin. La zone euro connaît une crise grave, qui débouche sur un sommet, où l’on trouve des solutions provisoires à la crise de liquidité mais qui sont assorties de mesures d’austérité qui renforcent en réalité la crise de solvabilité des pays européens. Après un répit de quelques semaines ou quelques mois, la crise réapparaît et l’on recommence. Ce sommet des 28 et 29 juin était en réalité le 19ème !

Mais à chaque fois, la situation est un peu plus dégradée. L’absence de solution de fond condamne les mesures d’urgence à n’être efficaces qu’un temps de plus en plus réduit.

Les hommes politiques et les financiers ont pu sabler le champagne vendredi. Les lendemains de fête seront très amers pour les peuples d’Europe.

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Europe liberticide

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Commenter cet article
M
<br /> Peuples d'Europe on vous gruge et on vous endort!Tout est prévu pour vous vendre,ils sont tous complices de l'asservissement des peuples depuis "l'invention de l'uerss!!!Ils jonglent avec notre<br /> pognon et nous livrent à l'islam<br />
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I
<br /> Le bon sens ne s'apprend pas à l'ENA ,en revanche l'HYPOCRISIE entre dans toutes les matières ..<br />
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