La magistrale leçon de fiscalité de l'OCDE à la France

Publié le 22 Mars 2013

David Bensoussan

 

 

DECRYPTAGE Dans son diagnostic annuel, l'OCDE donne quelques bons points au gouvernement français mais tacle sévèrement le contenu de ses réformes fiscales.

 

Le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria et le President Francois Hollande au siège de cette institution, le 29 octobre 2012. ( DENIS ALLARD-POOL/SIPA)

Le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria et le President Francois Hollande au siège de cette institution, le 29 octobre 2012. ( DENIS ALLARD-POOL/SIPA)

Comment redresser nos finances publiques et relancer la croissance? Pierre Moscovici a reçu mardi 19 mars au matin, des mains d’Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, le diagnostic annuel de l’organisation internationale sur la France. Si le ministre de l’Economie peut se réjouir des quelques satisfecits accordés par l’OCDE à la France, le rapport contient également des critiques acerbes de l’action du gouvernement, notamment sur le plan fiscal, et un appel à passer la vitesse supérieure en matière de réformes.

Coté bonnes nouvelles, l’OCDE se range du coté de Paris dans ses négociations budgétaires avec Bruxelles. Contrairement aux faucons de la Commission qui veulent que la France affiche un déficit public "nettement en-dessous des 3%" en 2014, l’organisation soutient Pierre Moscovici : "Avec une croissance plus faible que celle prévue par le gouvernement et des conditions favorables de financement de la dette, il convient de laisser les stabilisateurs automatiques jouer à plein au prix de déficits publics plus élevés qu’envisagés ; ils s’établiraient alors à 3.5 % du PIB en 2013 et à 3.0 % en 2014." Et l’OCDE de tacler Bruxelles en mettant en garde contre un excès de rigueur qui pourrait pénaliser la croissance.

La pression est mise sur les économies nécessaires

Les experts valident aussi le choix du gouvernement d’avoir commencé le redressement budgétaire en misant d’abord sur les impôts car les hausses de taxes produisent leurs effets plus rapidement. "Des hausses d’impôts peuvent aussi présenter l’avantage à court terme, relativement aux baisses des dépenses, de susciter de moindres résistances sociales à même de perturber les marchés de capitaux." Mais ils soulignent qu’à moyen-terme il est préférable de réduire les dépenses, notamment compte tenu du niveau déjà très élevé des prélèvements obligatoires en France. De quoi mettre la pression sur le gouvernement en matière d’économies.

Surtout, l’OCDE tacle sévèrement le contenu de ses réformes fiscales à l’occasion d’une vaste revue de détail des impôts français. Certes, les experts jugent que notre système fiscal remplit très bien son rôle redistributif et a permis de mieux juguler les inégalités que dans la plupart des autres pays. Mais ils le trouvent trop complexe et estiment qu’il perturbe les choix des ménages et des entreprises au risque de pénaliser l’activité économique. Voici leurs principales recommandations...

 

Imposer tous les produits d’épargne de la même façon. L’OCDE critique vertement la décision de François Hollande d’aligner la taxation du capital sur celle du travail. Les experts s’alarment de la hausse considérable de la charge fiscale pesant sur les revenus financiers des contribuables aisés. Ils regrettent en particulier la trop forte taxation des dividendes, assujettis d’une part à l’impôt sur les sociétés et une taxe spécifique de 3% payés par les entreprises et d’autre part à l’impôt sur le revenu (même s’il existe un abattement de 40%) et aux prélèvements sociaux. Si l’on prend en compte l’inflation qui rogne le rendement du capital, le taux maximum d’imposition des dividendes flirte avec les 150% et dépasse même les 200% en rajoutant l’impôt sur la fortune ! "Si les taux sont trop élevés, ils peuvent susciter la fraude et l’évasion fiscales et décourager l’épargne et l’investissement", déplore l’OCDE.

Dans le même temps, le gouvernement n’a pas touché aux multiples niches fiscales qui bénéficient à certains produits d’épargne (assurance-vie, plan d’épargne en actions, livrets divers...) sans que cela ne corresponde à une véritable justification économique. "L’augmentation récente des plafonds dulivret A et du livret de développement durable accentue les distorsions existantes", ajoutent les experts qui suggèrent plutôt de supprimer les niches et d’appliquer un traitement fiscal similaire à tous les produits. Ils notent également que de nombreux pays ont opté pour des taux d’imposition du capital inférieurs à ceux sur les revenus du travail.

 

Renoncer à la taxe à 75%. C’est le second tacle sévère à l’encontre du gouvernement. Même si le rapport reste prudent, soulignant le manque de données fiables sur l’exil fiscal des hauts revenus, l’OCDE ne mâche pas ses mots sur la fameuse taxe à 75 % : « au-delà de l’effet négatif sur la capacité de la France à attirer des activités innovantes et à forte valeur ajoutée, elle n’aurait dégagé que des recettes faibles (0.02 % du PIB), voire nulles en suscitant l’émigration de certains contribuables très mobiles internationalement. » Plus généralement, les experts critiquent la tradition française à laquelle n’échappe pas François Hollande, qui consiste à avoir des taux d’imposition très élevés mais à multiplier les exemptions. En matière d’efficacité fiscale, mieux vaut faire simple : une base large et des taux faibles.

 

Individualiser l’impôt. L’OCDE propose une vraie révolution : mettre fin au sacro-saint quotient conjugal qui permet à un couple d’être imposé conjointement, le total des revenus étant divisé par le nombre de parts fiscales, en l’occurrence deux s’il n’a pas d’enfant. Selon l’OCDE, le quotient conjugal avantage indument les couples car la présence d’un second adulte ne double pas le coût de la vie en raison d’économies d’échelle (alimentation, logement...). Surtout, les études montrent que ce mode de calcul a tendance à dissuader certaines femmes de travailler dès lors que le mari et donc le ménage relève d’une tranche d’impôt élevé. C’est pourquoi une bonne partie des pays de l’OCDE ont opté pour une imposition individuelle.

 

Supprimer les avantages fiscaux des retraités. Les retraités bénéficient d’une CSG à taux réduit (6,6 % au lieu de 7,5 % pour les actifs), d’un abattement de 10 % sur l’assiette de l’impôt sur le revenu (au même titre que les salariés pour leurs frais professionnels !), ne payent pas de cotisations maladies et sont exonérés de tout ou partie des taxes d’habitation et foncières. Tous ces avantages incitent les seniors à partir plus tôt à la retraite et pénalisent leur niveau d’emploi. Il faudrait donc les supprimer quitte à relever le montant de la retraite minimum en compensation.

 

Réduire davantage les prélèvements sur le travail. L’OCDE accorde un bon point au gouvernement pour son Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE). Selon les calculs des experts, le CICE permettrait à la France de combler la moitié de l’écart de "coin fiscal" pesant sur le travail par rapport à la moyenne des pays étudiés. De quoi s'agit-il? Le "coin fiscal" représente la différence entre le cout salarial total (y compris les charges sociales patronales) et la rémunération nette après impôts que touche effectivement le salarié. Il est très élevé en France notamment en raison du poids des cotisations sociales payées par le salarié et l’employeur, qui atteignait, en 2010, près de 16% du PIB, un record au sein de l’OCDE. Malgré les progrès liés au CICE, l’organisation recommande donc de réduire encore plus le poids des charges pesant sur le travail et, à la place, de réduire les dépenses publiques ou d’augmenter les taxes environnementales et les droits de succession.

 

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Economie-Finance-Industrie

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Commenter cet article
L
<br /> "Supprimer les avantages fiscaux des retraités"         C'est étonnant<br /> il y a dans cette énumération un tas de choses inexactes... L'abattement de 10%, on en parle toujours mais il y a des années qu'il a été supprimé ou au moins été plafonné très, très bas et n'a<br /> rien à voir avec le calcul appliqué aux actifs. Quant aux taxes d'habitation et foncières étonnant; je n'y vois aucun avantage et parler d'exonération de tout ou partie est un MENSONGE malhonnête<br /> ou d'incompétent dont l'auteur devrait rendre compte .! Si tout ce ragotage était exact les retraités seraient heureux d'être alignés sur les 7,5% de CSG au lieu de 6,6 %. Quant aux cotisations<br /> maladie... Je ne sais ce que notre Mutuelle qui perçoit tout sans détailler, fait avec les 240 € qu'elle nous pompe tous les mois à mon épouse et moi même malgré nos 4 ALD ... et les retenues sur<br /> remboursements, comme tout le monde malgré les énormes frais à notre charge qui en découlent ! Pas sérieux s'abstenir .!<br />
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