La guerre de Crimée, une guerre oubliée qui n'est pas sans lien avec notre époque!
Publié le 17 Mars 2013
A l'époque d'une France que les Républicains ont tout fait pour nous l'a faire oublier.
De la politique internationale et notamment militaire de Napoléon III on ne se souvient que de la débâcle de 1870 quand une diplomatie amorphe laisse une armée mal préparée et dirigée par un empereur malade, presque mourant, s’engager dans un conflit perdu d’avance face à la puissante Prusse qui l’enferma dans le piège de Sedan avant d’en briser la tête.
Mais voilà, avant la débâcle et la chute, il y eut une ambition: la volonté de créer un équilibre des puissances en Europe, fondée sur un axe d’amitié et de fidélité entre la France et l’Angleterre.
Drôle d’idée en somme de croire un seul instant que l’Anglais puisse s’intéresser à autre chose que ses propres intérêts, principalement commerciaux. Une drôle d’idée qui est probablement la faute originelle de la diplomatie de Napoléon III puisqu’en 1870, l’Angleterre abandonna son allié français et le laissa se défendre seul face à la Prusse, malgré les remords de la reine Victoria et sans comprendre ne serait ce qu’un instant que c’est en 1870, dans la cuvette de Sedan, que s’écrivait le destin de l’Europe, la naissance de l’Allemagne, de son ambition impériale, la rancœur de la France, son besoin vital de revanche.
C’est à Sedan qu’on commence à creuser les tranchées de Verdun.
Avant Sedan il y eut notamment la Crimée. Une guerre d’équilibre, une victoire au gout de sang et de mort.
C’est le 27 mars 1854, que la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à la Russie. C’est le début de la guerre de Crimée. Le premier conflit vraiment inutile et meurtrier qui en annonce d’autres encore plus inutiles et plus meurtriers, une sorte de répétition générale.
À l’origine du conflit, il y a un argument de principe opposant l’empereur français Napoléon III et le tsar Nicolas Ier : Chacun veut assurer en exclusivité la protection des Lieux Saints de Jérusalem, partie intégrante de l’empire turc.
Comme le sultan d’Istanbul semble donner la préférence aux catholiques représentés par Napoléon III, le tsar Nicolas 1er propose à l’Angleterre de se partager l’empire ottoman en déliquescence («L’homme malade de l’Europe», selon le mot du diplomate russe Alexandre Gortchakov) mais l’Angleterre refuse par crainte que la Russie n’acquière trop d’influence en Méditerranée et en Orient. Dans le fond c’est la vraie cause de la guerre. Napoléon III et le gouvernement britannique veulent maintenir un statut quo en Europe et maintenir l’existence, même virtuelle, de l’empire ottoman au risque par ailleurs de froisser l’un des plus fidèles alliés de la France, Méhémet Ali. Dépité, le tsar attaque et détruit la flotte turque de la mer Noire. Il envahit aussi les provinces roumaines de l’empire turc et en profite pour entamer un combat qui résonne encore à nos oreilles, celui contre les tribus insoumises du Caucase, en particulier les Tchétchènes regroupés autour de l’imam Chamyl.
Napoléon III et le gouvernement anglais font immédiatement cause commune avec le sultan et déclarent la guerre au Tsar. C’est là le deuxième objectif de Napoléon III : faire de la France et de l’Angleterre des alliés. C’est la première fois depuis le couronnement d’Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt, en 1154 que les deux nations se déclarent « alliées » et qu’elles s’apprêtent à combattre ensemble… après 700 ans de conflits ininterrompus.
Sous le commandement respectif des généraux Saint-Arnaud et lord Raglan, Français et Anglais débarquent à Eupatoria, dans la presqu’île de Crimée, le 14 septembre 1854.
La première bataille est celle de Petropavlovsk a lieu entre le 18 et le 27 août 1854. Trois navires franco-anglais se rendent dans la baie d’Avatcha où ils tentent de faire débarquer 600 soldats. Mais face à la résistance de 200 soldats russes, ils doivent battre en retraite.
Quelques jours plus tard, près de 1 000 soldats tentent une deuxième fois de débarquer mais sont à nouveau vaincus. Ils perdent 500 hommes dans la bataille.Voici donc une affaire pour le moins mal engagée. Les alliés se dirigent alors vers Sébastopol et lorsqu’ils arrivent au niveau de la rivière de l’Alma, ils se retrouvent face à une armée de 40 000 russes. Après plusieurs jours de combats, les troupes alliées s’imposent et les Russes battent en retraite. C’est à ce moment que le maréchal français Armand de Saint-Arnaud meurt du choléra comme de nombreux autres soldats et notamment ceux dont les tombes ont été découvertes ces derniers jours.
Suite à la victoire de l’Alma, Français et Anglais mettent le siège devant la puissante forteresse russe de Sébastopol, bientôt rejoints par des soldats du royaume de Piémont-Sardaigne. 185 000 assiégeants, emmenés par le général Canrobert, vont affronter les rigueurs de l’hiver russe dans une éprouvante guerre de tranchées jusqu’en août 1855 lorsque les Russes abandonneront leurs positions.
Les troupes françaises et russes s’affrontent le 7 septembre 1855 à Malakoff. Les deux armées se livrent à un long combat. Les troupes commandées par le général Mac Mahon imposent une défaite aux Russes qui voient leurs amiraux tués durant le combat. La ville de Sébastopol tombe définitivement.
Au même moment le Tsar Alexandre II qui vient de remplacer son père Nicolas Ier envoie des troupes en Asie au cœur des territoires turcs. 40 000 soldats russes attaquent ainsi la forteresse de Kars. Le premier essai russe est repoussé par les Ottomans. Les Russes débutent alors le siège de la forteresse. A l’automne, les Ottomans commencent à manquer de provisions et l’arrivée de la neige empêche les renforts d’arriver. Ils se rendent le 26 novembre 1855. Ce sera le seul succès Russe dans cette guerre mais aussi celui qui fera espérer au jeune tsar une paix honorable.
Il réclame la fin des hostilités et accepte de participer en 1856 au Congrès de Paris qui rassemble les principaux belligérants. Comme le Congrès de Vienne avait consacré la défaite de la France, celui ci consacrera la défaite de la Russie.
Le 30 mars, la France, l’Angleterre et la Russie signent le traité de Paris qui «sanctifie» l’indépendance de l’Empire ottoman. La Russie renonce à ses prétentions sur la Moldavie et la Bessarabie, accorde la libre circulation des navires sur le Danube et surtout, accepte la neutralisation de la Mer Noire. En d’autres termes, la mer Noire devient un territoire maritime neutre où sont interdits les bateaux de guerres et la construction de fortifications ce qui fait perdre à la Russie tout accès maritime par le sud et l’oblige à préserver son accès au nord, frontière de la Prusse. (On peut regretter aujourd'hui que l'Empire ottoman n'est pas perdu l'ensemble de ses territoires en europe! Une autre occasion manquée se fera aux partages de l'après 1er guerre mondiale! Les Alliés ont laissé 3% de territoire européen à ce qui allait devenir peu après la Turquie moderne. 3% qui justifie l'entrée de la Turquie non-européenne dans l'Europe politique! ndlr Gérard Brazon)
Pour de nombreux historiens adeptes des thèses de la IIIème République ou plus prosaïquement politiquement allergiques au régime impérial c’est là le premier et dernier succès de Napoléon III sur la scène internationale; mais, disent ils, un demi succès si l’on considère le cout en vies, probablement 70 000 morts français, et les conséquences politiques pour celui qui proclamait le 9 décembre 1852 à Bordeaux au cours d’un banquet offert par la chambre de Commerce : »Certaines personnes se disent, par esprit de défiance l’Empire c’est la guerre, Moi, je dis: l’Empire, c’est la paix« .
Pourtant bien loin de cette vision troublée il faut reconnaitre que la politique extérieure de Napoléon III fut dynamique : victoires en Crimée et Congrès de Paris, affranchissement de l’Italie, le rattachement de Nice et de la Savoie à la France, l’expansion coloniale… Elle répond a une double vision : l’équilibre européen au travers d’une alliance avec l’Angleterre puis d’une beaucoup trop tardive avec l’Autriche contre la montée en puissance de la Prusse et la reconnaissance des droits des nationalités qui donne à la politique napoléonienne toute sa modernité mais aussi sa fragilité car c’est en défendant ce principe que l’Empereur s’aliène l’Autriche et qu’il se retrouve seul face à Bismarck.
Dans les vallées d’Ukraine, au détour d’un chantier comme il en existe tant, plus que des tombes et des ossements, ce sont les espoirs déçus d’une époque révolue et incomprise que les ouvriers ont déterrés. Une époque qui se trouvait entre deux mondes, deux sociétés et deux Europe, une longue marche vers le chaos européen.
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Des ossements jaunis transparaissent à travers de gros sacs plastiques sur un chantier à Sébastopol, dans le sud de l’Ukraine. « Plusieurs dizaines de dépouilles ont été trouvées et je pense qu’il va y en avoir d’autres car le site est assez vaste », estime Oleksandre Natalitch, un bénévole de l’ONG de recherche historique Dolg (le devoir).
L’âge moyen des défunts, pour la plupart vraisemblablement décédés de maladie, ne dépasse pas 30 ans. Mais les chances de les identifier sont « proches de zéro » faute d’affaires personnelles ou de documents, estime Arkadi Baïbourtski. La guerre de Crimée a été marquée par le nombre élevé de pertes chez les alliés à cause du choléra et d’autres maladies, qui se sont propagées en raison de mauvaises conditions sanitaires et des problèmes d’approvisionnement.
Selon certains historiens, les Français ont ainsi perdu 95 000 hommes, dont 75 000 de maladies. Des diplomates français se sont rendus à Sébastopol début février, selon l’ambassade de France en Ukraine.
Alors que les fouilles sur le chantier continuent, l’inhumation des dépouilles – selon toute vraisemblance dans le cimetière militaire français qui existe par ailleurs à Sébastopol depuis la guerre de Crimée – n’est envisageable que dans quelque mois.