La France sera-t-elle complice d'Al Qaïda en Syrie. par Dominique Jamet
Publié le 20 Septembre 2013
Par Dominique Jamet
Deux ans après le pronunciamiento de l’armée contre le gouvernement de Front populaire, c’était moins à la lutte contre Franco, ses soutiens phalangistes, ses supplétifs maures, ses alliés allemands et italiens que les communistes espagnols et les commissaires politiques délégués par Staline sur le terrain consacraient le plus clair de leur énergie et de leurs forces, qu’à l’élimination des anarchistes, des trotskistes, à la mise en tutelle des socialistes et à la conquête du pouvoir. Une véritable guerre interne au camp républicain s’était greffée sur la guerre civile espagnole. Si les grandes démocraties occidentales, essentiellement la France et la Grande-Bretagne, faisaient preuve d’une réticence croissante vis-à-vis du gouvernement légal de Madrid, la cause n’en était pas seulement leur supposée « lâcheté ». Ni à Paris ni à Londres on ne souhaitait voir s’installer au-delà des Pyrénées une République des Soviets satellite de l’URSS stalinienne.
Deux ans et demi après le début de la guerre civile syrienne, on apprenait hier qu’à l’issue de combats acharnés qui auraient fait plus d’une centaine de morts et de disparus dans les rangs de l’Armée syrienne libre, les forces de l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant), une filiale dont Al-Qaïda est la maison mère, s’étaient emparées de la ville d’Azaz, dans le nord du pays, et s’apprêtaient à prendre le contrôle du poste-frontière avec la Turquie jusqu’ici tenu par leurs adversaires révolutionnaires.
C’est aujourd’hui, selon une enquête menée par l’ONU, à 58 % des quelque 150.000 rebelles recensés que se monte l’effectif des salafistes et djihadistes, parmi lesquels une forte proportion de volontaires internationaux, engagés dans la lutte à mort contre le régime de Bachar el-Assad. Ils sont les combattants de loin les mieux armés, les plus actifs et les plus féroces du camp rebelle, où la composante démocratique, représentée par l’ASL, ne pèse plus que 15 % du total. Le reste, des bandes et des bandits. Telle est la vérité.
Tandis qu’à Genève notre ministre des Affaires étrangères essaie vainement de convaincre son collègue russe qu’il faut « punir » Bachar el-Assad, coupable de vouloir maintenir à tout prix une dictature laïque sur son pays, Al-Qaïda, censée depuis douze ans être l’ennemi mortel de l’Occident et de notre civilisation, assoit sa domination sur une« révolution » que soutiennent à fond les régimes les plus obscurantistes de la planète et dont nous persistons à être assez aveugles pour souhaiter le triomphe.
Poussons jusqu’au bout cette logique folle. Bien loin de gêner leur recrutement, aidons à la composition, à l’armement, à l’entraînement et à l’envoi sur le front des Brigades internationales qui y lèveront haut les drapeaux de l’islamisme, et retirons du front malien les soldats qui font encore obstacle à la mainmise de l’AQMI sur le Sahel.
Si d’aventure notre politique suicidaire aboutissait à la victoire d’Al-Qaïda en Syrie, croit-on qu’Al-Qaïda aurait scrupule à utiliser les missiles, les chars, les avions et les armes de destruction massive qu’elle y trouverait ? Avant qu’Al-Qaïda fasse main basse sur la Syrie, il est encore temps de revenir à la raison.