La démocratie française coupée du peuple - Par Ivan Rioufol
Publié le 6 Février 2015
par Ivan Rioufol
Le mépris porté au peuple par le monde politique s’étale dans le rejet du Front national. Traiter ce parti légal de xénophobe, antirépublicain, antidémocratique est un obligé de la rhétorique officielle.
La gauche institutionnelle, François Hollande en tête, se refait régulièrement une vertu en martelant ces accusations. La droite honteuse, celle d’Alain Juppé et Nathalie Kosciusko-Morizet, est pareillement convaincue d’avoir à résister au retour de la bête immonde. Le reste de l’appareil UMP tord le nez et chasse les mouches. Dans tous les cas, le Système persiste à juger le FN indigne de la république. Mais, à travers cette formation qui ne cesse d’engranger des adhésions, ce sont des Français qui se font humilier.
C’est pour cette raison que l’UMP, arrogante et paresseuse, a été éliminée au premier tour de la législative partielle du Doubs. Sur ces terres socialistes, le duel FN-PS de dimanche s’annonce rude.
Juppé (UMP) dit de Marine Le Pen : « Elle est notre principale adversaire politique. » Il préfère en conséquence le candidat PS, Frédéric Barbier (26,5 % au premier tour), à celle du FN, Sophie Montel (32,6 %), pour ce second tour.
Mais ce faisant, le concurrent de Nicolas Sarkozy à la candidature à la présidentielle choisit de se couper de la droite pour s’ancrer dans un centrisme plat, aseptisé, moralisateur.
Cette méfiance vis-à-vis des citoyens oubliés, que partage François Bayrou quand il annonce « un risque grave » à ne pas suivre la gauche, explique pourquoi les électeurs rejoignent la pestiférée.
La victoire de Marine Le Pen en 2017 faisait rire il y a un an ; elle devient possible. La crise de la politique, dont elle est le révélateur, est tout entière dans ce complexe de supériorité de ceux qui ont accéléré le déclin du pays.
Les procureurs du lepénisme n’usent pas des bons arguments quand ils récitent que ce mouvement est une menace pour la France, oubliant qu’elle est déjà à genoux.
Le FN est critiquable dans son antilibéralisme dogmatique, son anti-atlantisme systématique, son europhobie sans nuance. Mais il a pour lui de répondre à l’aspiration de ceux qui veulent en finir avec la tyrannie molle d’une oligarchie coupée du peuple.
Les véritables adversaires de la démocratie sont ceux qui alertent contre un risque totalitaire que ferait courir leur propre défaite. En réalité, le besoin de liberté et d’air frais qui mobilise la France profonde est l’antidote à toute dérive despotique.
En revanche, ces mêmes qui crient au fascisme des « populistes » ne disent rien de la présence du nazislamisme en France. Mardi, un autre terroriste, Moussa Coulibaly, a blessé trois soldats qui protégeaient un centre culturel juif à Nice.
Dire « non au FN » tout en laissant « les électeurs choisir », comme l’a d’abord soutenu Sarkozy mardi, est aussi absurde que d’entendre Juppé, lundi, soutenir le PS tout en rejetant le « front républicain ».
Le président de l’UMP a eu raison de se rallier in fine à la majorité du bureau politique, attaché à la perpétuation de l’ambigu « ni-ni ». Mais Sarkozy ne semble pas voir que son adversaire est dans son camp : en soutenant le PS contre le FN, Juppé mise sur une primaire ouverte jusqu’à cet électorat, qui pourrait le désigner candidat.
À ce jeu de dupes, seuls les militants de l’UMP peuvent mettre fin en se prononçant sur une doctrine claire, y compris face au «front républicain», ce piège qui risque de faire réélire Hollande en 2017. La fracture de l’opposition est si grande qu’elle devrait obliger à une scission. Si rien ne se passe en 2015, ils seront encore nombreux, ceux qui iront voir en face.
Ce n’est pas faute de le marteler ici : les acteurs de la vie politique, qui jettent des anathèmes à défaut de produire des idées, doivent sortir de leur monde confiné pour s’ouvrir à la société civile, à son expertise, à son bon sens.
Affligeant est le spectacle de ces partis qui remettent le même disque en s’accrochant aux provocations de Jean-Marie Le Pen, ressorties ces jours-ci des placards en guise d’arguments.
Dans la pétrification de la pensée subie depuis des décennies, ce dernier a, certes, sa responsabilité : il a contribué, par ses saillies racistes et antisémites, à rendre inabordables l’immigration de masse et l’intégration des minorités culturelles. Par ses pieds de nez obscènes, il demeure le meilleur client de l’idéologie antiraciste et de ses interdits. Mais de ce FN répulsif, il ne reste plus grand-chose, même si c’est encore trop.
L’antisémitisme est aujourd’hui chez les protégés des sermonneurs.
En fait, l’unanimisme anti-FN apparaît pour ce qu’il est devenu : l’alibi des cossards et des fumistes. Ceux qui se drapent dans un gaullisme galvaudé se croient dispensés d’avoir à répondre aux bouleversements d’un monde qui prend fin.
Ces néo résistants ne sont ni sérieux ni respectables dès lors qu’ils se contentent d’aligner des indignations réchauffées sans tenter d’apporter des solutions. Les coalitions politiques et les ligues de vertu médiatiques ne seront jamais d’aucune utilité pour faire reculer le FN ; cela se saurait.
Il n’y a qu’une manière pour la droite d’espérer s’imposer avant 2017 : travailler sur des idées innovantes, en collaboration avec les acteurs de terrain, qui tournent le dos à la politique. Dans la législative du Doubs, 60,4 % des électeurs se sont abstenus au premier tour. Ce sont ces désabusés qu’il faut réconcilier avec la démocratie.
Le chef de l’État a tout intérêt à alimenter, comme il l’a fait hier lors de sa conférence de presse, l’esprit d’« unité de la République » qui le crédite d’une embellie.
Le deuil national est une posture qu’il affectionne et lui permet d’habiter sa fonction. Mais cette appropriation des drames est une indécence quand elle est utilisée pour son ambition.
La mobilisation du 11 janvier a été la démonstration d’une aspiration des Français à défendre leur mode de vie et d’abord leur liberté. Or ce n’est pas ce message que retient Hollande quand il annonce, au nom d’un vivre ensemble obligatoire, vouloir imposer une mixité de« peuplement » à des citoyens qui ont souvent choisi de s’écarter justement de leur nouveau voisinage.
Cette brutalité en dit long sur la gauche prolophobe, qui s’est mise au service des cités musulmanes.