Et si Sophia Aram vivait en Arabie saoudite ? Par Gabrielle Cluzel
Publié le 28 Janvier 2015
Pour Boulevard Voltaire
Elle était désopilante, Sophia Aram, lundi, pour sa chronique matinale surFrance Inter, engoncée comiquement dans sa burqa. (Niqab et non Burqa qui cache les yeux ndlr Gérard Brazon)
Il faut dire que Christine Lagarde lui avait servi son sketch sur un plateau d’argent. La patronne du FMI, dans son hommage à feu le roi d’Arabie saoudite, n’avait-elle pas déclaré que celui-ci était « de façon très discrète un ardent défenseur des femmes » (sic) ? Chez nous, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées… pour brosser dans le sens du poil ceux qui en ont. Et même des idées saugrenues. Christine Lagarde aurait pu rajouter, ç’aurait été encore plus gentil, qu’il était aussi – attention, de façon (vraiment) très discrète, hein ! – un ardent défenseur des chrétiens. Un ardent défenseur des chrétiens et des femmes, le blogueur Raif Badawi pourrait obligeamment en témoigner entre deux coups de fouet, que l’on accuse d’avoir, entre autres, plaidé pour la Saint-Valentin.
Si la carrière de Christine Lagarde au FMI tourne court, elle pourra se reconvertir dans la communication politique : elle est très créative, sa trouvaille peut se décliner à l’infini. François Hollande, ainsi, est un ardent pourfendeur du chômage… de façon très discrète. Et la discrétion, c’est une qualité. Cela suppose que l’on est si modeste que l’on ne veut pas se mettre en avant. C’est classe, c’est chic, c’est de bon goût. Tout ce qui caractérise le roi saoudien. Et François Hollande aussi, d’ailleurs.
Oui, Sophia Aram a fait marrer tout le monde. Mais pas seulement pour ses mots d’esprit calculés. Parfois aussi à la façon de Christine Lagarde. Avec laquelle elle partage talents oratoires… et mauvaise foi.
Car elle ne s’est pas contentée de brocarder le roi Abdallah, ce féministe très discret : « De discrétion en discrétion, d’ici un ou deux millénaires, peut-être qu’en Arabie saoudite les femmes auront les même droits que les hommes. Ce qui laissera le temps aux Français d’accorder les mêmes salaires aux femmes qu’aux hommes. » C’est une blague ?
Passons sur le fait qu’avec les rétributions de ses émissions, Sophia Aram peut sans doute en remontrer à bien des hommes. Mais renvoyer dos à dos ce qui n’a rien à voir, loger à la même enseigne la paille et la poutre, c’est la technique de Sophia Aram, déjà éprouvée dans son spectacle « Crise de foi », et elle n’est pas honnête.
Est-il besoin de le dire ? Si la très expansive et rigolote Sophia Aram vivait en Arabie saoudite, elle devrait, comme nous toutes du reste, se comporter de façon infiniment plus… « discrète ».
Non, la condition féminine en France n’est pas comparable, d’aucune façon, même pas un tout petit peu, à celle-là, car ce n’est pas une différence de degré mais de nature.
Et laisser imaginer une seconde le contraire, alors que l’on dit les filles, elles aussi, tentées par l’islam radical, alors que chacun s’accorde à dire que la bataille du voile, en France, a été perdue, alors qu’un milliardaire nargue la loi pour payer les « amendes niqab », façon très « discrète » d’enjoindre les femmes à le porter (pas pour rire, cette fois), serait à la fois très léger et criminel.
Car notre arme de dissuasion massive est là : dire et redire, parce que c’est un fait, que seule notre civilisation a permis aux femmes de relever la tête. Seule notre civilisation permet à des Sophia Aram et des Christine Lagarde d’exprimer librement tout ce qui leur passe par la tête. Même des bêtises.