Conflits d’intérêts des frères Sarkozy, plan Alzheimer et mutuelle obligatoire pour le profit de Sanofi et des assurances
Publié le 15 Octobre 2013
Source http://actuwiki.fr/politique/30677/
L’un des principaux symptômes de la maladie d’Alzheimer, c’est une altération de la mémoire. Exerçons-la un peu, alors. Pour voir comment les maillons de la chaîne politico-sanitaire s’enchevêtrent avec les gros intérêts privés de l’industrie pharmaceutique, et ce depuis la famille de Nicolas SARKOZY jusqu’à notre firme nationale, SANOFI-AVENTIS. L’imbrication est parfois directe, parfois par maillons interposés, comme il se doit dans tout réseau.
La maladie d’Alzheimer ne semble pas avoir été choisie par hasard par Nicolas Sarkozy, mais ce n’est pas la première fois que des initiatives présidentielles confortent les intérêts économiques privés de ses proches. Les conflits d’intérêts sont juste mieux cachés dans ce cas, occultés par des envolées lyriques et la posture du volontarisme politique (voir les discours).
Nous verrons l’implication de François SARKOZY et de Guillaume SARKOZY dans des secteurs clé, en rapport avec la maladie d’Alzheimer et d’autres dispositifs sur la dépendance des aînés. Eux et leurs sociétés bénéficient directement de l’argent public, de marchés publics et des changements intervenus récemment dans ce domaine.
Nous verrons aussi comment la structure scientifique (Fondation Alzheimer) mise en place actuellement, ainsi que les dispositifs de partenariat public – privé bénéficient directement à l’industrie pharmaceutique, en particulier à Sanofi-Aventis – et à ses sous-traitants et collaborateurs, parmi lesquels François Sarkozy.
Graphique: Journal des Finances, selon lequel Sanofi-Aventis devrait faire 7,2 milliards d’euros de profits en 2009.
La Fondation de la coopération scientifique sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées
Le premier conseil d’administration de la « Fondation de la coopération scientifique sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées » a eu lieu le 7 novembre 2008, présidé par Philippe LAGAYETTE, désormais « vice-président de la banque JP Morgan pour la région EMEA » et « président du groupe dédié aux fonds souverains en Europe ». Les banquiers et l’Alzheimer, par les temps qui courent, est-ce vraiment une sage association ? Espérons que M. Lagayette ne nous créera pas une « bulle Alzheimer » oublieuse de la raison et faisant des investissements à risque au travers de hedge funds pour lequel seul le profit est « souverain »…
Je propose qu’un collectifs de médecins et d’usagers indépendants de tous bords testent régulièrement les capacités cognitives de tous ceux qui sont impliqués dans la gestion tant financière qu’intellectuelle et scientifique de la « grande cause Alzheimer ».
La précaution ne serait pas inutile. Parce que, décidément, il doit y avoir une affinité secrète entre les fonds souverains – destinés à maîtriser la crise financière – et les firmes pharmaceutiques. Une alchimie et des covalences inaccessibles à l’usager lambda qu’est Pharmacritique… Parce que Jean-François DEHECQ (président d’honneur de Sanofi-Aventis) navigue lui aussi dans ces eaux-là ; il a été nommé par Nicolas Sarkozy président du conseil d’orientation du « fonds souverain à la française » (ou Fonds stratégique d’investissement, créé en novembre 2008. (Voir ma note)…
Voilà, avec Lagayette, encore un exemple du mélange malsain des genres et de la promiscuité entre finances publiques et privées et grands laboratoires privés… Et tout cela pour la philanthropie, bien sûr… Mais cela n’est pas tout, comme on le verra en tirant sur juste une ou deux mailles du filet.
Le directeur général de la Fondation est le Pr Philippe AMOUYEL, qui dirige l’Institut Pasteur de Lille. Cette institution est, selon ce portail régional, « le partenaire de nombreuses firmes pharmaceutiques des États-Unis et d’Europe ». Un petit détail.
La Fondation de la coopération scientifique s’inscrit dans le cadre du plan « Alzheimer 2012« et se propose de soutenir la recherche, notamment en matière de médicaments, comme on le voit par la présence des firmes Sanofi-Aventis, Merck Sharp & Dohme, Servier et Ipsen, qui, nous dit pudiquement le Panorama du Médecin du 17 novembre 2008, « participent au développement de cette fondation ». En fait, ils « sont d’ores et déjà membres fondateurs » et « ont siégé au premier conseil d’administration », nous apprend le communiqué de presse du 13 novembre de Sanofi-Aventis. Tout le monde se félicite de cette « contribution financière » et « des échanges étroits [qui] seront organisés entre la sphère académique et la sphère privée au travers de la Fondation. »
(Lorsqu’on connaît le respect de Sarkozy et des banquiers pour la « sphère académique », on peut craindre le pire… Voir les notes de la catégorie « Université SARL. Partenariats public-privé« ).
L’exemple du « partenariat » public-privé Innovative Medicine Initiative
En fait, on ne devrait pas parier que le privé apporte plus qu’il n’emporte dans cette juteuse affaire de « mise en commun » des connaissances, surtout si elle se fait sur le modèle conçu par notre vénérable Commission européenne, dont tout le monde connaît le dévouement à la cause de l’intérêt général et des services publics. Pharmacritique a décrit ce modèle dans la note « Innovative Medicines Initiative: la Commission européenne et EFPIA s’allient pour dévaliser la recherche et les deniers publics« … Sous couvert de financements privés, d’apport de liquide et d’investissements. Où que l’on se tourne, on tombe toujours sur les « investissements » pharmaceutico-bancaires, sur la même pensée unique dont nous vivons les effets en ce moment même. (L’EFPIA est l’organisation patronale européenne de l’industrie pharmaceutique, équivalent européen du LEEM).
Ce modèle de pseudo-partenariat est un moyen parfaitement légal pour que le privé s’approprie les résultats des investissements étatiques traduits dans la recherche publique, en les brevetant pour s’assurer des profits considérables, protégés par des lois de propriété intellectuelle qui ne sont pas taillées pour les petits. Il suffit de lire – dans la note déjà citée – les critiques adressées par l’union des sociétés publiques de recherche allemandes, la Helmholtz Gemeinschaft, aux autorités européennes responsables d’Innovative Medicines Initiative pour se convaincre que tout est calculé jusque dans le moindre détail pour spolier le public et enrichir les firmes privées et leurs actionnaires.
L’alliance médico-politico-pharmaceutique française se préparait pour l’investissement Alzheimer et n’attendait que de pouvoir se déployer à plus grande échelle
Prenons juste un exemple, assez représentatif, semble-t-il.
Regardons cette dépêche de Sanofi annonçant déjà en novembre 2006 ce qui se préparait déjà : « Sanofi-Aventis, Innogenetics et l’Inserm signent un accord de collaboration dans la maladie d’Alzheimer », et dans des conditions très strictes de partage de la propriété intellectuelle : tout va aux deux firmes privées, l’institution publique (Inserm de Lille) aura simplement de quoi financer les recherches commanditées par les deux autres…
« Cet accord est conclu pour une période initiale de 2 ans, avec la possibilité pour Sanofi-Aventis d’obtenir une licence mondiale exclusive sur les résultats de ce programme de recherche dans le domaine thérapeutique. Innogenetics disposera d’une licence mondiale exclusive dans le domaine du diagnostic.
Le présent accord se fonde sur l’accord de propriété intellectuelle et de collaboration dans le domaine de la recherche, conclu en 2002 entre Innogenetics et l’Inserm de Lille (U-422) pour le développement de nouveaux outils de diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Les résultats de la collaboration permettront d’étudier le rôle de formes spécifiques du peptide bêta-amyloïde, peptide essentiel dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer, ainsi que des technologies associées, en vue de découvrir de nouvelles pistes thérapeutiques pour le traitement de la maladie. Sur la base des technologies et des produits d’Innogenetics et de l’Inserm, Sanofi-Aventis évaluera différents candidats produits contre des formes variées du peptide, dans un programme d’immunisation passive.
Innogenetics et Inserm Transfert fourniront l’accès à leurs technologies et services à Sanofi-Aventis et recevront en échange un paiement initial et un financement de leurs activités de recherche. (…) Les termes financiers de l’accord ne sont pas révélés.«
Je cite à dessein la phrase concernant les plaques amyloïdes, parce que j’aurai l’occasion de revenir là-dessus dans un prochain billet.
S’approprier les innovations de la recherche publique et en tirer des profits
Clair comme de l’eau de… Roche : le public donne tout, le privé empoche les bénéfices… Les critiques de la Helmholtz Gemeinschaft étaient parfaitement justifiées et s’appliquent ici aussi, comme à toute forme de « partenariat public-privé » tellement vanté et qui sont très prisés par les firmes pharmaceutiques dont les pipelines sont vides depuis longtemps. Les pipelines ne crachent plus que des écrans de fumée, ne produisent justement plus de médicaments apportant un progrès thérapeutique, comme nous le disions dans cette note, à partir de la Déclaration de 2001 de l’ISDB (International Society of Drug Bulletins) : « Progrès thérapeutique? Ou inflation marketing et occultation des effets indésirables des médicaments? Déclaration de l’ISDB« .
Pharmacritique a abordé cet aspect aussi pour épingler la servilité de nos autorités d’(in)sécurité sanitaire (AFSSAPS, HAS) face aux firmes pharmaceutiques, puisqu’elles permettent à presque n’importe quoi d’être commercialisé en France : « Progrès thérapeutique nul en 2008, dit Prescrire. Multiples critiques des procédures d’AMM, responsables de l’inflation de médicaments dont le bénéfice clinique n’est pas évalué« .
Le plan Sarkozy arrive et amène des fonds publics pour les firmes privées. Franchises comprises
L’élection de Nicolas Sarkozy et la propulsion de Jean-François Dehecq au plus haut niveau des finances publiques et du carnet d’adresses politiques – si tant est qu’il en eût besoin – s’inscrit dans une stratégie qui semble très bien pensée et déployée… (Notons d’ailleurs la difficulté de critiquer les produits de Sanofi, par exemple le Gardasil… A moins que la contestation vienne d’ailleurs, comme pour Acomplia (rimonabant), qui avait été refusée par l’agence américaine du médicament (FDA), puis retiré par d’autres pays… Autrement, c’est motus et bouche cousue, et on a vu que Sanofi pouvait même dépêcher des consultants et des experts pour rétablir les dogmes lorsqu’il y a des critiques qui risquent de remettre en cause l’un de leurs produits. Cela a été le cas à l’automne 2008 à la Réunion).
Sarkozy parlait de l’Alzheimer depuis sa campagne électorale ; mais si les firmes privées étaient vraiment là pour apporter des financements à cette cause (par ailleurs très respectable, là n’est pas la question) et non pas pour piller les résultats de la recherche financée par le contribuable, il n’y aurait nul besoin du prétexte des franchises médicales pour financer les recherches sur l’Alzheimer…
Mais qui va fouiller dans tous les détails et (se) poser les questions qui fâchent ? Payons les franchises, faisons un effort pour renflouer ces pauvres actionnaires des laboratoires privés – français et étrangers, vu la présence de Merck et d’autres qui ne sont pas nommés -, qui auront des droits et des brevets exclusifs sur les résultats de la recherche ! Et en bons pigeons que nous sommes toujours, malgré les mauvaises expériences répétées, nous payerons encore une fois pour les médicaments, en plus d’avoir financé leur développement sans le savoir…
Sarkozy encore… Mais FRANCOIS SARKOZY… Et l’extension médiatique et entrepreneuriale directe des conflits d’intérêts
Où l’on voit que la stratégie est meilleure et quasiment invisible lorsqu’elle est pensée et mise en place par des professionnels.
L’une des membres du conseil d’administration de la Fondation de la coopération scientifique est la Pre Françoise FORETTE, directrice de la Fondation nationale de gérontologie et de l’International Longevity Center France (ILC-F).
Intéressant, ce Longevity Center, car il a des ramifications politiques et médicales insoupçonnées par le quidam… Ainsi, le ILC-F a organisé le 13 novembre 2008 « Les 15èmes rencontres parlementaires sur la Longévité« , sous le patronage du président de l’Assemblée nationale (Bernard Accoyer) et en présence, entre autres, de Roselyne BACHELOT, de plusieurs députés, mais aussi de Bruno Rivals, directeur des Relations politiques à Pfizer France…
Notons aussi un nom familier et très engagé, lui aussi présent : il s’agit du Dr François SARKOZY, qui a délaissé la pédiatrie au nom de son amour pour l’industrie pharmaceutique et pour la gériatrie. Cet amour l’a même poussé à fonder une chaîne de télévision sur internet appelée LongeviTV. Dont l’un des financeurs / sponsors est Sanofi Aventis.
Annonçant la future chaîne de télévision, et avec l’attitude critique qu’on lui connaît, Le Figaro titrait le 16 avril 2008 « François Sarkozy, un parcours sans faute dans la santé« . On y apprenait la reconversion « dans le conseil en stratégie et en organisation, [puisque François Sarkozy] vient de prendre la présidence d’AEC Partners, important cabinet œuvrant dans le domaine de la santé, dont il est associé depuis 2001″. Le Figaro nous apprend « que l’industrie pharmaceutique [le] happa rapidement », ce qui est naturel pour celui qui se reconnaît « une âme d’entrepreneur » : « De Roussel Uclaf à Aventis en passant par Hoechst Marion Roussel, diplôme de l’Insead en poche aussi, il y a imprimé sa marque en France et à l’international durant dix ans. Il est aussi depuis 2005 vice-président du conseil de la société de biotech cotée Bio Alliance Pharma. »
On peut dire donc que, côté stratégie, il s’y connaît.
AEC Partners et l’industrie pharmaceutique
Comme on s’y attendait, AEC Partners a pour clients l’industrie de la santé et des soins ainsi que l’industrie des « sciences de la vie », mais la firme conseille aussi des fonds d’investissements « majeurs », lit-on sur cette page. Encore un rapport direct aux banquiers et autres investissements. Décidément, il faudrait parler du complexe médico-pharmaceutico-bancaire, si l’on pense aussi aux enchevêtrements des membres de l’Assemblée Nobel dans le Fonds d’investissement du Karolinska Institutet et leurs activités semblables à celles de François Sarkozy. Voir à ce sujet l’enquête très détaillée de Pharmacritique sur les conflits d’intérêts, les liens financiers directs et indirects et les soupçons de corruption pesant sur l’Assemblée Nobel, qui ont entaché le prix Nobel attribué à Harald zur Hausen par des considérations bassement matérielles (augmenter les ventes du Gardasil et museler la critique).
Sur cette page, on peut lire que l’offre en consulting d’AEC Partners correspond tout à fait « aux besoins de l’industrie pharmaceutique, tout au long du cycle de vie d’un produit » : c’est-à-dire depuis la conception, le développement, les essais, le marketing, l’écriture des articles médicaux, la présentation, la publicité, les dossiers d’obtention d’autorisation, la publicité auprès des médecins et indirectement auprès des patients, la formation médicale continue, les congrès, la bataille pour les prix ou pour l’extension des indications…
Bref, des consultants et des experts et expertises sont prêts à l’emploi pour mener à bien tout projet lié aux médicaments des firmes pharmaceutiques clientes de François Sarkozy. Mais AEC Partners s’occupe aussi des fusions-acquisitions (M&A : mergers and acquisitions), domaine dans lequel la firme dirigée par le frère du président Sarkozy se reconnaît même des « connaissances stratégiques » qui s’ajoutent à l’expertise transactionnelle… Pour ma part, je le crois sur parole. Pas vous?
Les clients et « partenaires stratégiques », c’est la classe! Rolex assuré bien avant 50 ans!
On ne sera pas étonné de voir que l’Institut Pasteur de Lille – dirigé par Philippe Amouyel, devenu directeur de la « Fondation de la coopération scientifique sur la maladie d’Alzheimer » – fait partie des clients d’AEC Partners, Mais c’est un tout petit, que je mentionne parce qu’il fait partie du réseau. Mais avec Pfizer, on change de catégorie. Et lorsqu’on regarde qui sont les « partenaires stratégiques internationaux« , alors là… Bristol Myers Squibb, Glaxo Smith Kline… Puis le Frankel Group, lui-même spécialisé dans toutes les questions stratégiques, de conseil, d’analyse et d’investissement des « intervenants dans l’industrie de la santé ». Ces intervenants sont les grandes firmes pharmaceutiques et les grandes sociétés de recherche sous contrat (CRO : contract research organisations ou sous-traitants des gros laboratoires), lit-on sur cette page…
GUILLAUME SARKOZY : poids lourd des assurances avec Malakoff-Médéric
Guillaume Sarkozy est bien implanté dans le patronat français, qu’il a représenté au MEDEF de 2000 à 2006, tout en étant entre 2004 et 2005 vice-président de la CNAM (Caisse Nationale d’Assurance-Maladie), une institution publique majeure, et ce sans que quiconque s’émeuve de ce conflit d’intérêts manifeste.
Médéric et Malakoff ont fusionné quelques mois à peine avant l’implémentation de la « mutuelle obligatoire employeur » pour le Pôle Emploi et la Sécurité sociale – et ils ont remporté les deux marchés publics: près de 200.000 employés d’un coup à fournir en complémentaires obligatoires… Curieusement, c’est Nicolas Sarkozy qui est à l’origine de la fusion entre le Pôle emploi et les ASSEDIC, et il a insisté là-dessus, malgré la pagaille que cela continue de provoquer dans le traitement des dossiers. En janvier 2011, l’assureur aura 800.000 adhérents de plus, toujours suite à la loi Fillon de 2003, puisque le personnel CHR (Cafés – Hôtellerie – Restauration) devra lui aussi avoir une assurance obligatoire « de branche », et que c’est toujours Malakoff-Médéric (ainsi que deux autres groupes) qui a raflé la mise (voir cet article pour les détails).
Délégué général de Médéric, Guillaume Sarkozy est promis à la présidence du groupe à l’été 2011. Et ce n’est pas n’importe quel groupe, puisque, selon son propre site, Malakoff – Médéric peut se vanter d’être incontournable:
« Le Groupe accompagne 210 000 entreprises et 3,5 millions d’assurés et retraités. Son action sociale, dotée d’un budget de près de 70 millions d’euros, permet notamment d’aider chaque année 130 000 personnes en situation de fragilité et de financer de nombreuses actions de prévention santé. Médéric est n°1 des groupes paritaires de protection sociale (classement Argus de l’Assurance), n°2 de la retraite complémentaire et n°3 en santé collective (classement Argus de l’Assurance). Le chiffre d’affaires combiné en assurance atteint 2,15 milliards d’euros au 31 décembre 2006. Ses cotisations retraite s’élèvent à 4,7 milliards d’euros au 31 décembre 2006″.
Malakoff -Médéric est incontournable aussi dans la prise en charge de la dépendance – donc tout dispositif Alzheimer comme tout plan « dépendance seniors » le concerne directement. Le groupe investit par ailleurs fortement dans des sociétés spécialisées dans ce domaine (maisons de retraite et autres dispositifs), par exemple en rachetant une part importante de Korian, leader du secteur, et ce « dans le cadre d’un projet de partenariat stratégique de long terme dans les métiers de la prise en charge de la dépendance et vise notamment à accompagner le développement de Korian sur ses principaux marchés : la France, l’Allemagne et l’Italie » (voir annonce sur cette page).
OLIVIER SARKOZY et le groupe CARLYLE
Sur le site de cet immense fond d’investissement international, dans lequel sont impliqués la famille Bush et la famille Ben Laden – leurs fortunes y sont investies et gérées -, on trouve une courte présentation d’Olivier Sarkozy, directeur de l’ensemble des services financiers de Carlyle: « managing director », « head of the global financial services ».
L’article « Carlyle » de Wikipédia nous donne une bonne image de la puissance de ce groupe, qui investit dans toutes les industries profitables (technologies, énergie, media et télécommunications, transport, défense et industrie militaire comprise), immobilier, services de consultance, sans parler du capitalisme financier spéculatif (des fonds d’investissement, des capitaux à risque, des rachats et fusions, etc.) N’étant pas côté en bourse, Carlyle échappe à tout contrôle, et personne ne peut savoir qui sont ses actionnaires, quelles sont ses actions, ses rendements et profits – à part le peu qui est déclaré publiquement. En 2009, Carlyle a fait l’objet de poursuites pour corruption, mais s’en est tiré facilement, en payant 20 millions de dollars. On peut deviner l’étendue de cet empire en regardant par exemple le documentaire de Michael Moore, « Fahrenheit 911″.
Nous avons donc la présidence de la République, un rôle clé dans l’industrie pharmaceutique, l’un des leaders du système assurantiel et l’un des leaders du système financier au niveau international… Tout cela pour une seule famille, qui bénéficiera directement du plan Alzheimer et de tout dispositif « dépendance seniors ».
Et il n’est nulle part question de conflits d’intérêts…
Quel vocable odieux lorsqu’il s’agit de philanthropie et de soigner des personnes âgées!
Mais les conflits d’intérêts, c’est une habitude chez nous, dans ce pays plein de dynasties, malgré les apparences républicaines. BERNARD KOUCHNER et GERARD KOUCHNER en santé les illustrent eux aussi très bien. L’un ministre – de la santé ou autre -, l’autre patron de la presse médicale publicitaire et gratuite, dont Pharmacritique a commenté la qualité et l’indépendance (sic) dans la note « Presse médicale : nos généralistes sont en bonnes mains pour le lavage pharmaceutique du cerveau. Jugez par vous-mêmes« .
Et puis, dans un autre domaine, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, secrétaire d’Etat à l’économie numérique, et son frère, Pierre, dont les activités entrepreneuriales se déroulent dans ce domaine et qui s’est même fendu d’un rapport sur la question, commandé par le gouvernement (!), comme nous le rappelle Marianne.
La liste est tellement longue… C’est une tradition en France, par exemple, que les ministre de la Santé aient des relations étroites avec l’industrie pharmaceutique…
Education thérapeutique sarko-aventiste et propagande directe sur LongeviTV
Revenons à François Sarkozy et à Sanofi Aventis, qui se rencontrent (aussi) à la télé…
Bien entendu, les « programmes de prévention » et autres actions de Sanofi Aventis sont fort bien représentés et mis en avant sur LongeviTV, par exemple à partir de cette page, sur laquelle on peut visionner six vidéos, dont certaines traitent directement de la maladie d’Alzheimer. On nous fait l’éducation thérapeutique, c’est certain, démocratiquement répartie et pas réservée aux étudiants en médecine… L’usagère lambda qu’est Pharmacritique apprend ainsi ce qu’il en est des plaques amyloïdes et des neurofibrilles Tau (ou enchevêtrements neurofibrillaires), vous avez vu à quel point l’éducation est efficace? On nous appâte avec des allusions vagues aux fabuleuses pistes de recherche de Sanofi, sur un mode publicitaire et propagandistique.
Les hommes politiques et autres décideurs communiquent par le biais de Sanofi…
Dans l’une des vidéos reprises sur LongeviTV, une représentante de Sanofi-Aventis nous parle du projet « Agir pour la prévention« , qui crée « des partenariats de proximité« , à l’initiative « d’un comité d’experts et de Sanofi-Aventis ». Il s’agit d’un outil publicitaire pour la firme, sous couvert d’éducation. Voici un extrait qui montre de quoi il retourne: présence ubiquitaire, contrôle de l’information, image de marque, imprégnation de la marque « Sanofi » dans les esprits, dès l’enfance:
« Notre troisième ambition, c’est d’être un facilitateur et de permettre les échanges, les partages d’expérience, et c’est pour cela que nous avons instauré, depuis un an, un forum « Prévention » qui permet aux acteurs locaux, aux acteurs institutionnels nationaux, aux politiques, d’échanger, d’évaluer, de faire le bilan des actions menées et d’envisager éventuellement de nouvelles actions. (…) Nous nous sommes aperçus à Clermont-Ferrand, dans le cas du bus « Etre et savoir », que les enfants avaient amélioré leurs connaissances en matière d’hygiène de vie ».
C’est assez incroyable de voir qu’on permet à une firme privée d’être à ce point-là impliquée dans les politiques de santé, dans l’évaluation des actions sur « la cause nationale » qu’est l’Alzheimer et dans les décisions à prendre. C’est un conflit d’intérêts majeur que l’information et la communication des divers intervenants en matière de maladie d’Alzheimer, y compris des hommes politiques, transite par une société à but lucratif, directement intéressée dans cette « affaire ».
Et c’est tout aussi incroyable d’exposer les enfants à une publicité indirecte pour Sanofi-Aventis à travers les programmes dits « éducatifs ». Notre pays est-il digne de s’appeler une république s’il laisse les industriels privés faire « l’éducation » sanitaire de nos enfants ? Autant confier la sensibilisation à l’écologie au pétrolier Total.
Un autre partenaire: Paris Match
Une rubrique de LongeviTV s’intitule « Lu dans Match« : « Notre sélection d’articles de Sabine de la Brosse sur les sujets lus dans Paris Match. Retrouvez Match de la Vie santé tous les jeudis dans Paris Match. » Paris Match, la vulgarisation droitière et la brosse à reluire…
Tout pour les médicaments, tout pour les profits. Rien ou presque pour l’humain, pour l’accompagnement
Comment des laboratoires tels Sanofi Aventis, bénéficiant qui plus est de tels appuis politiques jusqu’à la présidence, pourraient-ils abandonner à d’autres firmes ce marché aussi lucratif du vieillissement, de l’Alzheimer ou d’autres démences ? Ou alors laisser le commerce connexe à d’autres fabricants de produits dérivés ?
Aucun des médicaments prescrits actuellement (Exelon (rivastigmine), Reminyl (galantamine), Aricept (donépézil), Ebixa (mémantine)), aucun de ces inhibiteurs de la cholinestérase ou alors la mémantine n’est produit par les laboratoires qui s’engagent dans la Fondation… Il y a donc un retard à rattraper, et il faut beaucoup d’investissements (impôts, franchises, résultats des recherches publiques…) pour y arriver…
Mais avec Nicolas Sarkozy, tout est possible, non ?
Ces médicaments ont par ailleurs une utilité et efficacité plus que douteuse, que même la très généreuse HAS (Haute Autorité de santé) a qualifié de faible, ce qui n’empêche pas des chiffres d’affaires très juteux… Après l’homologation par l’AFSSAPS, la commission d’évaluation de la HAS, pleine d’experts grevés de conflits d’intérêts, accorde un SMR (service médical rendu) très faible à ces médicaments. Mais elle en accorde un, et cela suffit pour que la Sécurité sociale rembourse. Elle rembourse aussi les dégâts provoqués par ces médicaments aux effets secondaires largement connus.
C’est là le point névralgique de cette Fondation comme des tentatives précédentes : on gaspille énormément d’argent – et qui plus est à partir d’une hypothèse qui pourrait se révéler bien moins sûre que prévu – au lieu de soutenir les accompagnants, d’investir dans des lieux d’accueil et dans du personnel qualifié capable d’apporter à ces malades à la fois l’humanité indispensable et l’interaction qui permet de maintenir peu ou prou les capacités intellectuelles en éveil et de ralentir leur dégradation.
Le pharmacologue allemand et rédacteur de la revue Arznei-Telegramm Pr Peter Schönhöfer, dont la réputation n’est plus à faire, a par ailleurs dénoncé plus d’une fois cet état de choses et ce gaspillage – en médicaments inutiles – qu’il a chiffré par ailleurs a plusieurs centaines de millions d’euros par an. Pharmacritique reviendra là-dessus.
On peut donc s’attendre à ce que la compétition des pharmas devienne encore plus acharnée pour sortir en premier une molécule qui montrerait l’ombre d’un début d’un effet sur les capacités cognitives, et particulièrement sur la mémoire… Car acharnée, elle l’est déjà, comme nous l’avons dit dans une note qui rendait compte de quelques études publiées en série et présentées comme révolutionnaires, rien qu’en l’espace d’une semaine : « Alzheimer : Des effets d’annonce déments sur des vagues espoirs de traitement. La médecine perdrait-elle la raison en plus de l’éthique?«
Oui, la société perd la raison, et la médecine la perd à son tour, lorsqu’elles permettent – lorsque nous tous permettons – que de telles affaires, qu’un tel commerce se fasse sur le dos de nos grands-parents, que de tels médicaments mettent en danger. Les plus fragiles – et surtout ceux qui ne peuvent plus parler pour eux-mêmes – devraient être les plus protégés. Mais où est l’éthique médicale, où est la morale, où est la solidarité républicaine lorsque, faute de personnel, on gave ces personnes âgées de neuroleptiques, de tranquillisants et aussi d’antipsychotiques dont on sait pourtant qu’ils augmentent les risques de mortalité cardiovasculaire, par exemple ?
Seules les firmes pharmaceutiques et leurs alliés politiques sortent financièrement gagnants de ce commerce. Nous, la République, la société, nous y laissons de plus en plus de parcelles de notre humanité.
Conflits d’intérêts des associations de malades
Bien entendu, on pourrait encore creuser et chercher les conflits d’intérêts de ceux qui sont impliqués dans cette Fondation, chercher les liens financiers des associations de patients avec l’industrie pharmaceutique, etc. Il n’y a aucune raison que les conflits d’intérêts des associations de malades d’Alzheimer et de leurs familles soient moindres en France qu’au Canada ou qu’en Suisse, comme le montrent les notes de Pharmacritique sur les « Conflits d’intérêts des associations / corruption » et tout particulièrement l’enquête du journal suisse de défense des consommateurs « Der Beobachter » sur le financement des associations de patients par l’industrie pharmaceutique.
- L’association France Alzheimer affiche sur sa page « Mécenat et partenariats » les noms de Pfizer et de Janssen-Cilag.
- L’association Europe Alzheimer « exprime toute sa gratitude à ses sponsors » majeurs – mais pas exclusifs, on l’aura compris -, à savoir Glaxo Smith Kline (GSK), Janssen-Cilag, Novartis et Pfizer.

Bien entendu, c’est une pure coïncidence si ces sponsors sont pile poil les laboratoires qui fabriquent les médicaments à efficacité très controversée, mais largement prescrits, que nous évoquions plus haut: Reminyl (galantamine) de Janssen-Cilag; Exelon (rivastigmine) de Novartis; Aricept (donépézil) de Pfizer; Ebixa (mémantine) de Pfizer et Eisai.
Quant à GSK, il a racheté le vaccin d’AFFiRiS et teste plusieurs molécules dans des essais cliniques. (Ce qui ne veut pas dire grand-chose, puisque nous avons vu que les annonces de traitements révolutionnaires sont légion, mais que la réalité ne suit pas… Cependant, si un médicament venait à être finalisé et homologué par nos très serviables autorités sanitaires, eh bien, l’un des meilleurs moyens de le rentabiliser tout de suite est d’avoir l’association européenne de malades parmi ses obligés.)
Source : Pharmacritique
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