Combien de petits Cahuzac dans la nature ? Par Marie Delarue
Publié le 5 Avril 2013
Par Marie Delarue
En 1988, après maints scandales sur le financement des partis politiques, enrichissements personnels, prêts à 0 % et autres magouilles autour de l’évanescence des fonds secrets attribués aux divers ministères, nos représentants s’avisèrent qu’il devenait urgent de se pencher sur le patrimoine des élus. Il fallait bien trouver un moyen de calmer la grogne des Français qui entonnaient déjà le refrain du« tous pourris ».
Depuis, la loi leur fait obligation, lors de leur entrée en fonction comme au moment de quitter celle-ci, de déclarer l’état de leurs biens. Reste qu’il faudrait être sérieusement naïf pour croire que cette mesure suffit à obtenir la transparence sur le sujet – la preuve par monsieur Cahuzac. On fera d’ailleurs remarquer que certains, par l’opulence notamment de leurs possessions immobilières, ont attiré les regards. Un Jack Lang, par exemple, largement questionné du temps de sa splendeur ministérielle par des journalistes curieux, et qui s’est toujours contenté, en guise de réponse, de les traîner devant les tribunaux. Il n’y a guère eu que le sévère Jospin, alliance de rigueur protestante et de lambertisme râpeux, pour ne déclarer comme patrimoine, lorsqu’il se présenta à la présidentielle en 2002, qu’une vieille décapotable Renault des années 70 et une maison de 300.000 euros achetée sur l’île de Ré avec Madame.
Pour Hollande, on sait ce qu’il en est : il n’aime pas les riches et entend araser les têtes au-dessus de 4.000 euros de revenus mensuels. Raison pour laquelle, sans doute, son ministre du Budget lui a, et nous a, menti éhontément.
Tenaillé paraît-il par le repentir et la tripe tordue par la trouille d’être officiellement démasqué, Jérôme Cahuzac s’est donc rendu chez le juge pour confesser son forfait. Et pour accéder plus facilement au pardon, il aurait affirmé que ce compte dormait à Singapour depuis des années, au point sans doute qu’il en avait oublié l’existence. Confidence ahurissante, car si ce socialiste « qui pue le fric » – dixit un « ami » sur Europe 1 – peut se permettre de laisser dormir 600.000 euros sur un compte, c’est qu’il doit avoir de sacrés revenus !
Du coup, Hollande est monté ce mercredi au perron de l’Élysée pour s’adresser à la nation. Cheveu ciré, colère rentrée, il a pour une fois joué les couillus, annonçant que désormais « les élus condamnés pour corruption seront interdits de tout mandat public ». Il s’est engagé aussi à ce qu’un projet de loi soit soumis au Parlement « dans les semaines qui viennent »pour « lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés et assurer la publication et le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires ».
Et là, on rigole. En effet, comme dit plus haut : la loi existe déjà. Il suffit de la faire appliquer, mais jusqu’ici personne ne s’y est risqué. C’est si vrai que, dans son rapport remis au Président en janvier 2012 (Sarkozy, donc), la Commission pour la transparence financière de la vie politique relevait :
En dépit de ces différentes campagnes d’information, la Commission constate que 25 % des élus régionaux (6 présidents de conseil régional sur 27 ; 61 conseillers régionaux sur 240) et que 9 % des élus départementaux (9 présidents sur 101 et 99 conseillers généraux sur 1.079) n’avaient pas transmis leurs déclarations de patrimoine dans les délais légaux. De même, sur les 70 sénateurs, pourtant destinataires d’un courriel personnel de la Commission, 13 % n’avaient pas transmis leurs déclarations dans les délais. Ces sénateurs en retard dans leurs déclarations ont tous fait l’objet d’un appel téléphonique personnel.
En outre, depuis l’entrée en vigueur de la réforme du 14 avril 2011, ces comportements sont passibles d’une peine d’amende de 15.000 €. Les manquements en cause seront par conséquent également portés à la connaissance du parquet.
Serait-il alors possible de savoir combien de poursuites ont été engagées ? Combien de petits Cahuzac traînent dans la nature ?
On notera enfin, et ce n’est évidemment pas un hasard, que 90 % des élus poursuivis pour corruption au cours des dix dernières années sont des cumulards. À bon entendeur, salut !
Par Marie Delarue de Boulevard Voltaire