Abu Dhabi : un eldorado à 200 euros par mois

Publié le 17 Janvier 2013

Le Point
80 % des habitants des Émirats sont des travailleurs immigrés venus chercher fortune et oeuvrant dans d'effroyables conditions. Reportage Armin Arefi
Des travailleurs immigrés embarquent dans un bus qui les amènera sur un site de construction, à Abu Dhabi, en novembre 2008.

Des travailleurs immigrés embarquent dans un bus qui les amènera sur un site de construction, à Abu Dhabi, en novembre 2008. © Rex Features / Sipa

L'absence d'Émiriens frappe d'emblée tout promeneur dans les rues d'Abu Dhabi. Trottoirs vides, luxueuses demeures barricadées ou encore monuments flambant neufs délaissés, seuls les 4 x 4 et autres bolides de luxe arpentant à toute vitesse les larges artères de la ville témoignent d'une présence arabe dans le pays. Pendant que l'émir et ses concitoyens, qui ne composent que 15 % de la population, se terrent dans leurs palais, le pays voit fourmiller, en même temps que poussent ses gratte-ciel, d'innombrables petites mains étrangères.

De nuit comme de jour, des travailleurs à la peau foncée, sous leur casque et leur keffieh, pullulent au rez-de-chaussée des chantiers, hôtels, cafés et magasins de la capitale. Soit tout le travail que ne daignent pas exercer les riches Émiriens. Du Bangladesh, duPakistan, d'Inde ou du Sri Lanka, ils ont investi le golfe Persique où ils espèrent trouver l'eldorado. "Vous savez, le Bangladesh est surpeuplé [150 millions d'habitants, NDLR], ce qui éloigne toute possibilité de trouver un bon emploi", explique Rajib, un serveur officiant dans l'un des plus luxueux hôtels du centre d'Abu Dhabi.

De 9 heures à 22 heures par jour

Arrivé dans la capitale émirienne il y a moins d'un an, le jeune homme de 21 ans s'avoue aujourd'hui satisfait. Avec 200 euros de salaire mensuel, il gagne assez pour faire vivre sa famille restée au pays. "Ce travail est bien sûr sous-payé, mais cela reste bien plus que tout ce que je pouvais espérer gagner au Bangladesh", confie-t-il. Peu importe si les conditions de travail frisent l'indécence.

"Nous pouvons travailler de 9 heures à 22 heures par jour", explique Zaman, un collègue qui semble ne pas avoir atteint ses 18 ans. L'adolescent n'en perd pas son large sourire. "On obtient des extras de salaire à partir de 250 heures de travail par mois", indique-t-il, déterminé à dépasser cette barre. Rajib, Zaman et leurs compatriotes communiquent entre eux en bengali, leur langue nationale d'origine indo-européenne.

Des nababs au Bangladesh

En revanche, ils ne parlent pas l'arabe et baragouinent quelques mots d'anglais avec les clients fortunés de l'établissement, sous l'oeil menaçant de leur responsable. Assez pour que l'on comprenne que la société qui les emploie, et dont le palace a sollicité les services, touche avec eux le jackpot : ils gagnent près de trois euros l'heure, quatre fois plus que ce à quoi ils peuvent prétendre à la fin du mois au Bangladesh. Ils se tuent à la tâche, mais aucun d'entre eux ne paraît prêt à vouloir regagner Dacca. 

Pourtant, contrairement aux gens qu'ils servent à longueur de journée, ces petites mains ne vivent pas comme des princes. Elles affirment habiter une chambre pour quatre d'un immeuble, entièrement prise en charge par leur compagnie. "Électricité, gaz, tout est gratuit", sourit Zaman. Toutefois, d'après un militaire français présent depuis plusieurs années sur la base d'Abu Dhabi, les travailleurs originaires du sous-continent indien ne vivraient pas au centre-ville, près des grands palaces où ils officient, mais dans des camps de travail où sont rassemblés des mobil-homes.

Chambres surpeuplées à 50 degrés

"Ces travailleurs n'ont pas vocation à rester aux Émirats", confie le soldat. "Lorsqu'ils rentrent chez eux, ils sont considérés comme de véritables nababs. En attendant, alors que les Émiriens ont gagné au loto avec l'argent du pétrole, ils ne sont rien sans cette main-d'oeuvre étrangère." Une autre expatriée française explique que si leurs conditions de vie restent tolérables durant le court hiver émirien, elles deviennent insupportables en été, lorsque les températures dépassent les cinquante degrés, dans des chambres surpeuplées dépourvues de toute climatisation.

Une réalité qui a amené l'ONG Human Rights Watch à monter au créneau, en marge de la visite sur place de François Hollande, qui s'est rendu mardi matin sur le chantier du Louvre d'Abu Dhabi. Ce vaste projet, destiné à accueillir une antenne du prestigieux musée parisien d'ici à 2015, aura sa première pierre posée au cours du mois de janvier. Or, d'après Human Rights Watch, les travailleurs migrants censés travailler sur le futur Louvre d'Abu Dhabi ont été exploités et privés de leurs droits fondamentaux. 

Une situation "honteuse", selon l'ONG, d'autant plus que, contrairement à la future New York University ou au musée Guggenheim qui doivent voir le jour sur la même île que le Louvre (Saadiyat), le musée parisien n'a pris aucun engagement public sur les droits des travailleurs. Des petites mains "extrêmement vulnérables à de graves abus" de la part de leurs employeurs privés, juge l'organisation de défense des droits de l'homme.

Rédigé par Gérard Brazon

Publié dans #Le Nazislamisme

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K
<br /> Le mot n'est pas prononcé mais il s'agit bien ici d'esclavage à la mode "moderne" façon dar al islam.<br /> <br /> <br /> Lors d'un déplacement professionnel à Dubaï il y a 12/15 ans j'ai profité d'un vendredi pour aller trainer du côté du port et des zones industrielles; les conditions de logement des "TCN" (third<br /> country nationals) étaient les suivantes: entassés dans des containers "dernier voyage" ouvertures découpées au chalumeau en guise de fenêtres, lits superposés. On m'a même parlé de chantiers ou<br /> il y aurait eu 2 lits pour trois ouvriers, le chantier faisant les "3X8".<br /> <br /> <br /> En Irak pareil où les pires conditions étaient celles des immigrés soudanais, sans doute des chrétiens du sud...Course infernale à l'ouvrier le moins cher, le rêve pour les boites occidentales...<br /> <br /> <br /> Tout le monde y trouve son compte, alors pourquoi s'émouvoir d'une telle inhumanité?<br />
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