La Retraite: Avec des pleins et surtout des déliés
Publié le 3 Novembre 2008
L'expérience n'est qu'une bougie qui éclaire celui qui la porte. Confucius
Voila un grand jour à marquer d'une pierre blanche. C'est ce que l'on dit à tout ceux qui partent pour faire le grand voyage menant in fine à l'abime des oubliés du temps et de l'histoire.
Je suis en retraite depuis le 01 er Novembre 2008.
Un choc tout de même! Pas encore un coup de vieux.
Pour le moment, je ne vais pas du lit au salon et du salon au lit et je n'écoute pas l'horloge au salon qui dit oui qui dit non et vous attend! Pas encore... J'ai le temps! C'est ce que je croyais il y a 41 ans quand j'ai commencé à travailler.
La retraite? J'ai le temps, je ne suis pas vieux disais-je aux alentours à tous ceux qui me parlaient de retraite! Foutaise la retraite... avant qu'elle me soit accordée!
Que vais-je donc en faire de cette retraite? Et puis d'abord, est-ce qu'il y a plus de personnes qui meurent en retraite ou au boulot?
C'est une bonne question? Ce n'est pas sûr du tout! Et cela ne va pas s'arranger puisque l'on sait désormais que l'âge de la retraite s'éloigne de plus en plus. Certains parlent même de 70 ans. Il est vrai qu'à l'âge ou les jeunes commencent à travailler il ne faut pas être grand clerc pour compter l'âge du début des cotisations et le nombre d'annuités à faire pour accéder à la retraite. CQFD
Donc j'ai eu de la chance!
J'ai commencé à 14 ans comme apprenti et je n'ai jamais arrêté de travailler! Même pas un peu de chômage, un peu de RMI, rien, nada, que dalle ! Que du boulot pendant 41 ans.
Donc, j'ai eu de la chance.
A l'époque, j'eusse préféré naître à Neuilly sur Seine. Dans une famille d'avocats par exemple.
Que serais-je devenu? Avocat comme papa? Maire de la ville? Député? Président?
Ah si j'étais né à Neuilly sur Seine, dans le 16em, Bougival ou le Vésinet! Mais non, je suis né à Chartres en province dans une famille ouvrière. J'ai donc eu de la chance car j'ai commencé à travailler à 14 ans.
Un CEP en poche et le mépris de la classe aisée par dessus!
A devenir communiste... c'est sûr!
A ce mépris de la "classe aisée"! Celui des petits bourgeois bien installés, et des commerçants nantis. Ce fût un véritable moteur ces vexations et ces regards hautains. Quand j'y songe aujourd'hui... elles me paraissent surévaluées mes rancunes d'ouvriers. Ils ne méritaient pas cette rancœur. Mais je les croyais tellement supérieurs, tellement plus intelligents, tellement plus instruits que moi !
A mourir de rire maintenant que je les connais mieux.
Surtout quand je vois ceux de l'opposition singer "les travailleurs."
Manifester le ventre rond après un bon repas et une bonne bière de la République à la Bastille!
Je ne crache pas dessus, je les connais bien j'en faisais partie! J'ai fait une carrière de syndicaliste. C'est la voie des pauvres pour réussir à peser un peu!
Les patrons ignorent les trésors humains qui se nichent dans leurs entreprises.
Les pires est la gauche caviar, à vomir! Les bobos, les bourgeois bohèmes. Ils ont les moyens et s'habillent en pauvres. Normal ils ne savent ce que c'est la pauvreté. Ils ne savent pas combien c'est humiliant de prendre les fringues de son grand frère déjà usés jusqu'à la corde! Ils paradent, font les beaux à la télé et donnent des leçons de maintenance au petit peuple entre deux voyages sur les îles pour parfaire le bronzage!
A devenir facho... c'est sûr!
Mais j'ai eu de la chance! J'aimais la lecture. Ma mère s'en foutait! Il fallait ramener la paye à la maison. Apprenti comme le reste de la fratrie! 12 à 14 heures par jour! C'était le tarif. Payé avec un lance pierre et des coups de pieds au cul pour les heures supplémentaires!
Ce n'était pas les Thénardier mes patrons parisiens, je n'étais pas le Gavroche de province, c'est sûr! La preuve, j'avais déjà lu Victor Hugo sans même savoir qui il était. Flaubert aussi et d'autres que j'ai oublié.
Mais qu'est-ce que j'aurais aimé rencontrer un Jean Valjean tout de même!
C'est du passé désormais! Je suis en retraite.
Je me fous comme de l'an quarante de la "classe aisée"! Je n'ai pas eu besoin de thérapie il m'a fallu simplement les rencontrer pour me rendre compte qu'ils n'étaient pas si supérieur que ça, ni plus intelligents, ni plus instruits que moi.
Ils étaient même et souvent plus cons que la moyenne.
Mais ça, à 14 ans, je ne le savais pas ! C'est le privilège des retraités.
Plus ne suis-je ce que j'ai été
Et ne le saurais jamais être
Mon beau printemps et mon été
On fait le saut par la fenêtre
Amour, tu as été mon Maître
Je t'ai servi sur tous les Dieux
Oh si je pouvais deux fois naître
Comme je te servirai mieux
Clément Marrot (1496-1544)

Gérard Brazon